Marcel Gromaire ou l'éloge du monde industriel

Ce triptyque de 1935 était en bonne place sur les cimaises de La Piscine, à Roubaix en 2020, lors de l’exposition « Marcel Gromaire, l’élégance de la force ». Provenant d’une collection privée de l’Oise, cette œuvre était destinée à la société Essef ; cette manufacture de papier peints et de décors muraux, située dans ce même département des Hauts-de-France, fut créée en 1881 par Jules Roger et a fermé ses portes en 2006. L’artiste accrocha ce tableau l’année même de sa création au Salon d’automne de Paris, alors organisé au Grand Palais. Il s’inscrit parfaitement dans l’histoire de son évolution, mais aussi celle de son époque. Nous sommes en effet un an avant l’avènement du Front populaire. Membre du Parti communiste, Marcel Gromaire participe activement à la « querelle du réalisme ». En 1935, il est le président d’honneur de l’Association des peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs de la Maison de la culture. Il s’engage pleinement dans les travaux de cette dernière, œuvrant pour un art social. Cette lutte a toujours été chère à celui qui est né à Noyelles-sur-Sambre, dans un Nord ouvrier dont il restera proche toute sa vie. Ses convictions politiques marqueront sa carrière avec des œuvres décrivant notre monde moderne et ses défaillances. Elles portent sur le devant de la scène, en de grands formats rappelant la traditionnelle peinture d’histoire, les hommes et les femmes de l’ombre, ces paysans et ces ouvriers dont la vie n’est alors que labeur. Ainsi, on retrouve dans le volet gauche de notre triptyque le coloriste, au tablier maculé de rouge, jaune et bleu, en plein travail avec ses pots de peinture d’un côté et ses presses derrière lui ; sur le panneau central, l’usine s’inscrit au cœur d’un paysage cézannien, tandis que sur celui de droite s’imposent en gros plan des engins mécaniques et leurs engrenages. Cet éloge du monde industriel et moderne rappelle l’œuvre de son ami Fernand Léger, mais traité dans ces couleurs terreuses qu’affectionnait Gromaire, souvent animées de rouge et de bleu, et au moyen de formes simplifiées et cubisantes… le tout dans une composition toujours monumentale.