Un arbre majestueux pousse sur une petite colline verte, la ligne des hautes mesas violettes ferme l’horizon d’un désert ocre orangé. Un ciel moucheté de bleu et de quelques touches de blanc est entraperçu à travers le feuillage bigarré, abritant des oiseaux chamarrés. Frank Overton Colbert reprend en les synthétisant les légendes indiennes sur l’origine de la Terre, des plantes et des oiseaux omniprésents dans toutes les tribus. À un moment, le «Grand Esprit» regarde autour de lui et ne voit… rien. Ce silence et cette obscurité doivent se transformer pour accueillir la lumière et la vie ; il se met à l’ouvrage, et ses pouvoirs commandent les étincelles de la création. Il fait émerger les terres de l’eau, modèle de hautes montagnes et des vallées profondes, anime les cieux de nuages blancs, charmants messagers de la pluie nourricière. Des graines germent, et, intercesseurs entre les esprits célestes et les hommes à venir, les oiseaux. Des multitudes d’oiseaux, de l’aigle majestueux au moineau. Overton Colbert connaît ce récit de la création décrit par les Amérindiens. Sa famille a fourni de nombreux chefs et le second gouverneur élu à la nation Chickasaw. Il tient son nom d’un Français, d’origine écossaise, William de Blanville Colbert, émigré au XVIIIe siècle, qui fonde le village portant son nom, et épouse la fille aînée du chef. «Plume rouge», le nom indien de Frank Overton Colbert, engagé dans la marine pendant la Première Guerre mondiale, s’installe à New York, dans le quartier de Greenwich Village, qui attire toute l’avant-garde artistique et littéraire de l’époque, notamment Holger Cahill, fondateur du mouvement «Inje-Inje», sorte de Dada à l’américaine, notamment de l’histoire de ses premiers habitants. Il fait partie des artistes figurant au Whitney Club Studio et à l’Architectural League, à New York, en 1922. La Montross Gallery lui offrira trois expositions personnelles, dont celle de janvier 1923, «Indian Folklore Pictures», où a figuré cette œuvre sous le n° 20. La même année, le peintre et son épouse, Kate London, fille de juifs russes émigrés, partent s’installer à Paris, dans le quartier de Montparnasse, bouillant centre de la peinture d’avant-garde, fréquenté aussi bien par Foujita que Picasso. Le couple et leur fils, Robert, repartent en 1926 pour New York. Peu après, il souffre de sa première crise de désordres mentaux qui entraînera son divorce Kate restera cependant son plus fidèle soutien. Au début des années 1930, Overton Colbert s’installe à San Ildefonso Pueblo, près de Santa Fe, au Nouveau Mexique, jusqu’en 1941, date de son internement dans une institution psychiatrique.