Aussi célèbre en son temps que méconnue aujourd’hui, Dora Kallmus, allias Madame d’Ora (1881-1963), fait l’objet d’une rétrospective, sa première exposition en France depuis plus de soixante ans. De Vienne, où elle ouvre son studio dès 1907, aux années 1950 à Paris, elle retrace le parcours de cette photographe autrichienne dont on ne connaît que quelques rares images – tels ses portraits des années 1920 du peintre Foujita. Sous le commissariat de Monika Faber et Magdalena Vukovic, deux historiennes du médium du Photoinstitut Bonartes viennois, la présentation réunit plus de deux cents tirages originaux, issus de nombreux prêts d’institutions publiques et de collections privées – d’Autriche, d’Allemagne et de France notamment. Le parcours, chronologique, est d’abord articulé en mini-chapitres – Joséphine Baker, la danse, la mode, etc. –, complétés par des documents contextualisant son travail. Ici, des magazines soulignent la diffusion de son œuvre à l’échelle européenne, là, trois robes des années 1910 à 1930 nous projettent dans cette époque révolue. Changement d’atmosphère pour la deuxième partie de l’accrochage. Les cimaises y sont bleu nuit, un effet scénographique correspondant à une bascule dans la pratique et la vie de cette femme d’origine juive, contrainte de vendre son studio parisien en 1940 et de s’enfuir. Le parcours tient le visiteur en haleine jusqu’au bout, notamment avec un saisissant travail au long cours réalisé sur les abattoirs de Paris dans les années 1950. Plus conceptuel que documentaire, cette série prouve que Madame d’Ora était une photographe complète. Et le Pavillon populaire fait une nouvelle fois la démonstration de son savoir-faire : offrir des expositions inédites et originales en faisant rimer accessibilité et exigence.
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