Estimée 150 000/200 000 €, une Nature morte à la coupe de fraises, panier de cerises, branche de groseilles à maquereau était acquise le 25 mars dernier (Aguttes OVV) à 1 662 400 €, offrant à son autrice, fille et sœur de peintre, un record du monde bien mérité. Celui-ci sera-t-il battu dans quelques jours ? Ces fruits encore tout veloutés de leur cueillette sont bien tentants… Ils débordent d’un panier d’osier posé sur une planche de bois brut, l’un d’entre eux offrant au regard du spectateur sa chair entamée par un oiseau, les feuilles les stigmates du passage de quelque insecte. Les formes des prunes sont pleines et imposantes, et contrastent avec les espaces entre les rubans d’osier, la ligne droite de la table, le fond sombre sur lequel elles se détachent. La lumière, venue de la gauche, crée un savant clair-obscur, et fait émerger les fruits dans toutes les nuances de leur palette restreinte entre rose et orangé, jaune et violet. Une chaude luminosité se pose sur la peau de ces derniers, qu’une main a frotté par endroits. Si la nature morte de fruits est la signature de Louyse Moillon, le motif de la prune est récurrent dans son œuvre. Seule ou associée à d’autres fruits, elle fut son sujet de prédilection. Initiée à la peinture par son père, Nicolas, la jeune fille – qui n’a que 10 ans quand ce dernier disparaît – poursuit son enseignement auprès de son beau-père, François Garnier, peintre de natures mortes. L’élève dépasse bientôt le maître. Influencée par la tradition des artistes flamands et hollandais contemporains, elle se fait remarquer par une production très raffinée, la sobriété de ses compositions, leur dépouillement, des couleurs plus chaudes que vives. Notre panneau, inédit et conservé dans une collection française, a été exécuté vers 1630. L’artiste a alors une vingtaine d’années. Cette représentation de la vie silencieuse pourrait, comme les fraises et les cerises qui l’ont précédée, se faire entendre au-delà de son estimation…