Pour tout peuple, la partition et l’annexion d’une terre induisent un profond traumatisme. Telle fut la blessure répétée de la Pologne, écartelée et morcelée entre le royaume de Prusse et les Empires russe et autrichien, de 1773 à 1918. Dans l’adversité, une résistance pugnace s’organise tout au long du XIXe siècle pour raviver une « polonité » meurtrie. Peintres, compositeurs et littérateurs s’inspireront des légendes anciennes, s’empareront des héros de leur histoire, puisant dans les visages des campagnes, dans les paysages urbains comme sauvages, les caractères de leur identité nationale. Ce propos inattendu, d’un écho sensible à l’actualité, commémore cette année les accords d’émigration de 1919 entre la Pologne et le bassin minier du Nord. S’il conjugue esthétique et éthique, en dévoilant brillamment le contexte social, intellectuel et humaniste des œuvres exposées, il souligne surtout la riche diversité de la peinture polonaise. Ainsi, la toile monumentale de Jan Matejko Reytan (La Chute de la Pologne), empreinte d’un romantisme grandiloquent, ouvre, avec son trône renversé et un homme à terre désespéré, un parcours rigoureux et clair, ponctué de coups de théâtre, tels ce Portrait de femme dense et profond d’Olga Boznanska ou ce clair-obscur coloré de Konrad Krzyzanowski, intitulé Autour de la bougie. Quelque 120 toiles signées des maîtres polonais Jozef Brandt, Jacek Malczewski, Józef Chelmonski ou Olga Boznanska dépeignent l’histoire sublimée de la Pologne, ses scènes de genre véristes, ses portraits symbolistes et paysages impressionnistes. Et si l’influence de Paul Delaroche se lit dans certaines œuvres (de Jan Matejko ou Józef Simmler par exemple), l’exposition exalte un sentiment européen débarrassé des sophismes populistes, qui fera migrer l’élite polonaise à Paris, dans cette « Petite Pologne » que fut l’hôtel Lambert, alors que la population ouvrière ira s’établir dans le Nord. Une leçon de modernité à méditer.