Réclamé de longue date par les défenseurs du patrimoine, le loto cher à Stéphane Bern devrait être «pérennisé» voire renforcé, de l’avis d’une mission parlementaire. Mais aussi clarifié dans ses objectifs et modes opératoires.
En dressant un rapide premier bilan, le 22 janvier, les députés Sophie Mette et Michel Larive se sont félicités de la popularité du premier loto pour le patrimoine, qui a manifestement contribué au «renforcement du lien patrimonial et de la cohésion nationale». Les députés ont cependant appelé à préserver son caractère exceptionnel, en repoussant l’hypothèse d’une répétition dans l’année ou d’une extension à d’autres causes. En revanche, ils recommandent d’en élargir le bénéfice aux restaurations ou même aux acquisitions de tableaux ou statues. Ils ont aussi mis en garde l’État contre la tentation d’en profiter pour «pallier une forme de désengagement qui, hélas, ne date pas d’hier». Ils n’ont ainsi pas caché leur scepticisme devant le dégel, pour «sauver les apparences», de 14 M€ alloués aux monuments historiques, lesquels ne constituent pas des crédits supplémentaires et dont rien ne garantit la reconduction. Les rapporteurs regrettent ainsi que l’État ait accaparé «l’essentiel» des revenus et les «propriétaires privés, assez peu». 73 % des monuments qui en bénéficient sont classés et 62 % appartiennent à des propriétaires publics. Les aides au Centre des monuments nationaux se justifient d’autant moins à leurs yeux que ses travaux sont «intégralement financés» par l’État. Deux millions d’euros lui avaient été promis, notamment pour le château de Bussy-Rabutin. Mais le CMN, qui trouve ce jugement à son encontre «un peu sévère» , indique qu’il n’aura pas recours au revenu du Loto, puisque l’Etat a effectivement débloqué des crédits permettant de financer la quasi-totalité des travaux demandés. Il n’en reste pas moins que l’objectif d’une assistance au petit patrimoine en péril se serait ainsi trouvé «dévoyé» par un manque de clarté dans les ambitions, mais aussi les modes de procédure. Les députés reprennent ainsi à leur compte les critiques d’une confusion et d’une opacité entourant la sélection des projets et la distribution des aides, sous l’égide de la Fondation du patrimoine. Sans aller jusqu’à suggérer de lui en retirer la responsabilité, ils ont souhaité «davantage de transparence», en recommandant l’intégration des associations et des élus dans les processus de décision. Ils contestent également une politique de «saupoudrage» de «sommes faibles essentiellement symboliques», prenant pour exemple les 8 000 € reçus par le couvent des Ursulines de Saint-Denis, qui a besoin de 300 000 € pour refaire sa toiture. À la dernière minute, les bénéficiaires ont ainsi appris que les aides seraient plafonnées à 10 % de leurs besoins. Les deux jeux cumulés ont rapporté autour de 190 M€, mais le montant remis à la Fondation du patrimoine dépasse à peine les 21 M€ seulement, pour 248 projets jugés prioritaires.
Les députés plaident pour un doublement de ce revenu, en émettant plusieurs suggestions, éventuellement superposables : la suppression ou au moins l’allègement des taxes, contre lesquelles Stéphane Bern a déjà élevé la voix, une baisse des gains ou encore un jeu supplémentaire, dont les tickets seraient moins chers, renforçant le caractère populaire de cette action. Ils ont également préconisé le «reversement intégral» au patrimoine des gains non retirés. Par-dessus tout, ils réclament une «contribution» de la Française des jeux, qui a bénéficié d’une énorme promotion d’image en se présentant comme un mécène, sans aucun apport financier de sa part. In fine, les parlementaires relèvent que ce cumul des apports «apparaît bien dérisoire» en regard de l’énormité des besoins, tout en signalant l’écueil que représentent les déficits en expertise et en moyens des services. Outre un bilan chiffré annuel, ils ont appelé de leurs vœux une mission d’information «plus vaste» permettant de dégager une «vision globale» du patrimoine que le gouvernement semble aujourd’hui bien incapable de produire.