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Livre : Les Bronzes Barbedienne, gloire de l’art industriel

Publié le , par Sophie Reyssat

Avec ses sculptures d’édition, la maison fait la fierté de Paris, capitale des bronzes d’art à partir de 1860. Au-delà de l’art, son histoire retrace l’évolution de la société à la fin du XIXe siècle.

Atelier de montage de la maison Barbedienne, 63 rue de Lancry (de gauche à droite :... Livre : Les Bronzes Barbedienne, gloire de l’art industriel
Atelier de montage de la maison Barbedienne, 63 rue de Lancry (de gauche à droite : Lion au serpent de Barye, L’Éternel Printemps de Rodin, Jeanne d’Arc de Chapus et, à l’arrière-plan, Chanteur florentin de Dubois), photographie, mars 1913. Collection particulière, agence de presse Meurisse. DR.

Répertoriant près de deux mille sujets édités par la maison Barbedienne, évoqués par plus de mille trois cents illustrations, cet ouvrage de référence va sans nul doute occuper une place d’honneur dans les bibliothèques des amateurs d’art. Il ne se passe pas un jour, en effet, sans que le plus célèbre éditeur de bronzes d’art français, actif de 1834 à 1954, soit mis en avant par une œuvre proposée en vente publique. À ce titre, Drouot convie d’ailleurs les passionnés de sculpture à rencontrer l’auteur de cette bible pour collectionneurs, Florence Rionnet, à l’occasion d’une conférence ouvrant ses portes à 14 h 30 le vendredi 16 décembre, en salle 9. Ils pourront ainsi apprécier, comme ils le feront en compulsant ce livre, le rôle crucial joué par le fondeur dans la diffusion de la sculpture aux XIXe et XXe siècles, et par conséquent, dans l’évolution des goûts au niveau international, grâce aux nombreuses participations de l’entreprise aux Expositions universelles. Trois dirigeants se sont succédé à sa tête. Ferdinand (1810-1892), son fondateur, est à la fois l’ami des artistes, le collectionneur et le chef d’entreprise avisé, aussi intransigeant pour l’excellence technique des œuvres produites que pour la qualité de ses collaborateurs. Son empire patiemment construit, employant jusqu’à quatre cents ouvriers en 1862, est repris trente ans plus tard par son neveu Gustave Leblanc-Barbedienne (1849-1945). Celui-ci ne partage malheureusement pas la discrétion et le perfectionnisme du grand homme, dont la devise était de «faire beau, simple et de bon goût». Gustave mène en effet grand train, dilapidant son héritage, alors que l’évolution des goûts au tournant du siècle aurait au contraire nécessité qu’il mette toute son énergie dans l’entreprise familiale, dont s’amorce le déclin. Quand son fils Jules (1882-1961) reprend les rênes en 1930, la crise mondiale est passée par là. Malgré ses efforts, la guerre portera le coup de grâce, le contraignant à fermer l’entreprise en 1954.

L’essor de l’entreprise, soutenu par les commandes officielles, est fulgurant sous le second Empire. De la production à la commercialisation, Barbedienne maîtrise tout.

Une «usine à sculptures»
Lancée cent vingt ans plus tôt, l’aventure avait véritablement débuté en 1838, avec la rencontre déterminante entre Ferdinand Barbedienne et le mécanicien Achille Collas (1795-1859), dont le procédé de réduction ouvrait la voie à la sculpture mécanique, appliquée à la statuaire comme aux bronzes décoratifs incluant de grandes fontes — sans compter les chefs-d’œuvre exécutés pour les Expositions universelles ou réalisés sur demande. L’essor de l’entreprise, soutenu par les commandes officielles, est fulgurant sous le second Empire. De la production à la commercialisation, Barbedienne maîtrise tout, devenant à la mort de Collas le propriétaire exclusif des brevets, des machines et des modèles, qu’il choisit lui-même et dont ses concurrents sont impuissants à égaler la variété. Les réductions en plâtre d’après l’antique sont loin. Non contente d’éditer des bronzes modernes et contemporains, la maison a diversifié son activité au point de proposer aux particuliers des réductions dans n’importe quel matériau, et de réaliser divers travaux pour les sculpteurs, des épreuves d’artiste à la simple patine. Entre 1845 et 1911 – correspondant à la première et à la dernière publication des catalogues de la société –, les éditions ont été multipliées par huit, ce qui porte la production à plus de deux mille sculptures, objets d’art et bronzes d’ameublement ! Leurs styles sont aussi éclectiques que le goût du public. À côté des valeurs sûres du classicisme et de l’académisme, les sculpteurs du XIXe siècle font leur entrée en force, notamment avec l’acquisition des chefs-modèles d’Antoine-Louis Barye en 1876 et de ceux d’Emmanuel Frémiet, en 1910. Après cette date, seuls les artistes contemporains enrichissent le fonds, les successeurs de Ferdinand cherchant à moderniser l’image de la vénérable maison. Les choix stylistiques limitent cependant la prise de risques, les sculptures, toujours figuratives, affichant un «modernisme sage et réfléchi», capable de plaire au plus grand nombre. Cela n’empêcha pas le public de se lasser de la multiplicité des tirages, auparavant tant appréciée. La maison Barbedienne fit les frais de cette nouvelle tendance, prônant le retour à l’originalité et à la rareté.

 

 

 
À lire
Les Bronzes Barbedienne.
L’œuvre d’une dynastie de fondeurs, Florence Rionnet, 24,5 x 33 cm, 572 pp., Arthena, 2016. Prix : 140 €.
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