À la fin du IIe millénaire avant notre ère, l’Empire hittite, au faîte de sa gloire, est le rival de l’Égypte, qu’il a affrontée lors de la bataille de Qadesh. Les siècles ont pourtant eu raison de son souvenir, éclipsé par la civilisation de Ramsès II à la faveur d’une égyptomanie encore largement d’actualité. Le Louvre rend aujourd’hui justice aux royaumes néo-hittites et araméens qui ont succédé à cette grande puissance après son déclin, vers 1180 av. J.-C., et ont fait vivre son héritage jusqu’à ce que les Assyriens deviennent les nouveaux maîtres de leurs territoires, couvrant le sud-est de la Turquie et la moitié de la Syrie actuelles, vers 700 av. J.-C. Vincent Blanchard, commissaire de l’exposition, précise que la mise en lumière de ces «royaumes oubliés» est une première. Si le sujet, méconnu, reste pointu, le propos est remarquablement documenté et éclairé par des cartes, des images d’archives et des reconstitutions des sites archéologiques. Ces derniers, qui se succèdent au fil du parcours chronologique, sont presque exclusivement évoqués par leurs sculptures monumentales et leurs bas-reliefs en pierre, ou par leurs moulages effectués par les scientifiques. Au-delà des œuvres, cette exposition relate en effet une aventure archéologique débutée au XIXe siècle. Les éléments de décors architecturaux présentés, parfois accompagnés de hiéroglyphes louvites, renforçaient le prestige des voies processionnelles, des portes majestueuses et des palais imposants qu’ils ornaient, tandis que leurs sujets exaltaient le pouvoir du souverain, sa puissance militaire et les dieux. Celui de l’orage, trônant au sommet du panthéon hittite, illustre un syncrétisme que l’on retrouve dans de nombreuses représentations : adoptant la posture du pharaon vainqueur, il lui emprunte sa coiffe blanche, à laquelle sont ajoutées des cornes appartenant à la symbolique babylonienne. La permanence des modèles iconographiques est manifeste, depuis la première salle consacrée à l’Empire hittite, avec d’imposants sphinx inachevés, aux espaces alignant les décors sculptés des royaumes lui ayant succédé : Karkemish, Malizi, Gurgum, Sam’al, Masuwari ou encore Hamath. Si près d’un tiers des œuvres viennent des collections du Louvre, la majorité ont été prêtées par les plus grands musées internationaux. Provenant du Pergamon Museum, où elles seront exposées dans quelques années, une fois la rénovation du musée achevée, les sculptures trouvées dans la ville araméenne de Guzana correspondant au site de Tell Halaf actuellement situé à la frontière turco-syrienne, fouillé à partir de 1911 par le baron Max Freiherr von Oppenheim constituent le clou de l’exposition. Sur ce site majeur se trouve en effet le palais du roi Kapara, qui a régné vers 890-870 av. J.-C., et dont on peut admirer les monumentales effigies d’homme-oiseau-scorpion, de lions, de sphinx et de griffons, ainsi que les orthostates au foisonnant décor mêlant les animaux mythologiques, les hommes et les dieux. Ces dalles de calcaire et de basalte, disposées au pied des murs de briques crues, avaient une double fonction, protectrice et décorative. Cette pratique fut notamment reprise par les Assyriens, évoqués en fin de parcours. Unifiant la mosaïque des royaumes sous leur joug, ils adoptèrent leurs traditions qui essaimèrent dans tout leur empire.