Pas besoin d’acrobaties pour attirer les collectionneurs, l’art précolombien à la traçabilité historiée séduit.
Pour ce 5e opus de la vente d’une prestigieuse collection d’art précolombien, outre un beau produit total de 2 273 833 €, on assistait une fois de plus à l’envolée – envol ou acrobaties ? – de quelques pépites remontées des siècles. Le résultat le plus élevé, 454 180 €, revenait à un incroyable contorsionniste (voir ci-dessus) en stéatite brune patinée de la culture olmèque (900-600 av. J.-C.), qui semblait n’avoir besoin d’aucun effort pour y parvenir. Le visage de cet homme s’exécutant déjà en couverture de la Gazette no 24 (voir l'article Avec cet acrobate olmèque, l’art précolombien se met en quatre) exprime une grande sérénité et pourrait même esquisser un sourire – et il avait bien raison. On peut voir dans la représentation de ces acrobates un parallèle avec celle des fous du roi de l’époque médiévale, des divertissements de haut rang ! Toujours du Mexique mais cette fois-ci de la culture maya et nous transportant entre 600 et 900, un support d’encensoir (reproduit ci-dessous) à la présence saisissante retenait 322 980 €. Le sujet central est un seigneur assis somptueusement paré d’une imposante coiffe à l’effigie du «dieu D», Itzamnah Kokaaj. Réalisé en argile modelée, cuite et partiellement rehaussée à froid de peintures bleu turquoise et blanche, cet artefact est à rapprocher de modèles plus monumentaux découverts sur le site de Palenque, sur lesquels étaient déposés des plats de boules d’encens que l’on brûlait pour évoquer le souffle vital s’évanouissant vers le monde invisible des esprits… On retrouvait la culture olmèque pour une hache votive (h. 27 cm) aux traits de l’Homme-Jaguar en serpentine verte, abaissée à 296 740 €, et celle des Mayas pour un vase tripode (h. 28 cm) en céramique à engobe vernissé noir et brun-rouge, au couvercle surmonté du coati du «dieu D». Pour cette pièce provenant soit du Guatemala, soit du Mexique et remontant à la période 400-600, pas moins de 244 260 € étaient nécessaires. Quand on pense à l’Amérique précolombienne, on songe aussitôt à son or qui a conduit à sa découverte par les Européens et à sa perte par les mêmes. Un gobelet péruvien (poids 855 g, h. 25,5 cm) de la culture Lambayeque ou Sicán (900-1100) venait le rappeler. Emporté lui aussi à 244 260 €, il illustre également l’extraordinaire dextérité des orfèvres de ces anciennes civilisations, travaillant l’or en repoussé pour faire apparaître des visages stylisés d’une présence transperçant les âges.