Les Nabis et le décor

Ils ont cherché un art nouveau, voulu introduire le beau au quotidien et se sont bâti une grammaire picturale en rupture avec le passé. Pour y parvenir, les Nabis ont choisi avec l’humilité et la hardiesse de leur jeunesse de devenir des «artistes décorateurs». Mais le parcours et l’accrochage que propose aujourd’hui l’exposition du musée du Luxembourg, à l’opposé de la récente présentation des œuvres d’Alfons Mucha, n’explorent pas les différentes déclinaisons graphiques d’une esthétique adaptée aux objets. Elle invite, malgré son titre, à une plongée dans la peinture, de Sérusier à Denis, de Bonnard à Vuillard, de Ranson à Roussel. Si les supports (tapisserie, éventail, paravent, céramique, vitrail, papier peint) démontrent une impressionnante faculté d’adaptation des peintres aux expérimentations et aux techniques nouvelles  pour la plupart inspirées de l’art japonais de l’estampe , leurs thèmes restent ceux de toujours  vibrants paysages, scènes d’intérieur introspectives visant à idéaliser la figure humaine, principalement la femme, dans un quotidien rêvé. Aux élégantes Femmes au jardin par lesquelles Pierre Bonnard opère une fusion sensible de la nature et de la figure féminine, répondent les savantes et presque oppressantes surcharges de motifs dont Édouard Vuillard sature ses scènes intimistes. En quelque quatre-vingt-dix œuvres et objets, se recomposent des ensembles aujourd’hui dispersés à travers le monde, souvent tombés en mains privées. C’est donc plutôt l’âme et l’idée du décor qui prévalent chez ces joyeux «prophètes» d’un nouveau genre, qui réinterprètent l’espace avec la fantaisie que procurent des supports en trois dimensions, tels que des abat-jour ou des boîtes à cigares.