Grâce à la mobilisation du Comité professionnel des galeries d’art, en étroite collaboration avec la Maison des artistes, le dispositif fiscal destiné à faciliter l’investissement des sociétés dans la création contemporaine est prolongé de trois ans. Il pourra être utilisé jusqu’au 31 décembre 2025.
Les bénéficiaires du dispositif fiscal incitant les entreprises à acquérir des œuvres d’artistes vivants et à les exposer sont naturellement les artistes, mais aussi leurs partenaires directs, les galeries d’art. Acteurs de la diffusion et de la promotion du travail des artistes, les galeries d’art sont sollicitées par les entreprises pour leurs conseils et expertises, notamment pour des commandes. Aux termes de l’article 238 bis AB du Code général des impôts (CGI), «les entreprises qui achètent des œuvres originales d’artistes vivants et les inscrivent à un compte d’actif immobilisé, peuvent déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d’acquisition de l’œuvre». La déduction effectuée chaque année ne peut excéder 20 000 € ou cinq pour mille du chiffre d’affaires (art. 238 bis 1- al. 1 du CGI) quand ce dernier montant est plus élevé (limite minorée du total des versements effectués en application de l’article précité). Si le plafond est atteint, l’excédent de la part déductible sur l’année ne peut être reporté pour être déduit au titre d’une année ultérieure. Pour bénéficier de cette déduction, l’entreprise doit exposer l’œuvre acquise dans un lieu accessible au public ou aux salariés, à l’exception des bureaux, pour la période correspondante à l’exercice d’acquisition et aux quatre années suivantes. Le dispositif a été étendu aux instruments de musique par la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, dite «loi Aillagon ». Il est donc désormais utilisable par une entreprise qui acquiert un instrument qu’elle prête à titre gratuit à un artiste-interprète demandeur.
Implication du secteur privé
L’entreprise doit inscrire à un compte de réserve spéciale au passif du bilan une somme égale à la déduction opérée en application du premier alinéa. Ce critère a été mis en place pour que, en cas de revente de l’œuvre par l’entreprise, la déduction puisse être réintégrée comptablement afin d’annuler l’avantage fiscal. Techniquement, et sans autre justification, cette condition légale a pour effet d’exclure du bénéfice du mécanisme les entreprises individuelles et les titulaires de bénéfices non commerciaux, comme les professions libérales (réponse ministérielle Foulon n° 36875, JOAN du 10 mars 2015). Il serait pourtant pertinent de faire bénéficier de ce dispositif toutes formes d’entreprises, sans excepter les entreprises individuelles qui cherchent à soutenir les arts et dont les locaux satisfont la condition d’exposition qui procède du but d’intérêt général justifiant la réduction d’impôt. Depuis des années, le ministère de la Culture considère la contribution des entreprises au secteur artistique et culturel comme un levier important de soutien à la création contemporaine. Ce dispositif fiscal issu de la loi du 23 juillet 1987 relative au développement du mécénat, favorise donc depuis plus de trente ans l’implication du secteur privé dans la mission d’intérêt général d’accès à l’art pour tous. Pourtant, la loi de finances pour 2020 prévoyait que l’utilisation de ce dispositif incitatif s’éteindrait le 31 décembre 2022 à des fins d’évaluation. Le terme de cette mesure fiscale a pu bénéficier d’un report de trois ans, entériné dans la loi de finances pour 2023 après de longs débats parlementaires. Ces derniers ont trouvé leurs sources dans les actions conjuguées du Comité professionnel des galeries d’art (CPGA) et de la Maison des artistes, menées particulièrement à l’automne 2022. Un soutien favorable du gouvernement et l’engagement de parlementaires à déposer des amendements ont permis de valider le maintien des œuvres d’art originales au sein de l’article 238 bis AB du CGI et le report de ce dernier jusqu’en 2025. Certains parlementaires se sont particulièrement mobilisés en déposant des amendements, notamment Mmes Constance Le Grip et Catherine Morin-Desailly, MM. Jérémie Patrier-Leitus, Quentin Bataillon et Jean-René Cazeneuve.
Évaluation et efficacité du dispositif
L’absence d’évaluation chiffrée de cette «dépense fiscale n° 210203» était la raison principale du bornage. Le ministère de la Culture n’est pour l’instant pas en capacité de fournir des données assez précises pour détailler l’efficacité et le coût de ce dispositif, renvoyant systématiquement vers Bercy. Cependant, le ministère de l’Économie, qui traite pourtant de réductions fiscales, ne fournit pas de chiffres détaillés et complets. C’est pourquoi ce report de trois ans est lui aussi assorti d’un objectif d’évaluation de l’efficacité et du coût de l’incitation fiscale. Cette avancée pour le secteur des arts visuels laisse donc rapidement place à la poursuite des travaux d’évaluation de l’efficacité et du coût de la mesure. Le CPGA et le ministère de la Culture, notamment la mission mécénat, s’attellent dès à présent à ces travaux en vue de l’échéance de 2025. Le Comité professionnel des galeries d’art estime déjà la part des ventes aux entreprises par les galeries à 14,5 % de leur chiffre d’affaires annuel. Au sein du ministère de la culture, le DEPS (Départements des études, des prospectives et des statistiques) devrait pouvoir apporter des éléments complémentaires. L’étude des flux économiques générés (recettes et dépenses) doit être complétée d’une étude qualitative de l’accès à l’art pour tous. Les acquisitions par les entreprises ont des retombées bien plus larges et diverses sur l’écosystème culturel, que les seuls revenus directs pour les artistes et les galeries. Selon une étude réalisée par l’économiste Nathalie Moureau pour AXA Art, portant sur les collections d’entreprises, parmi les sociétés détentrices d’œuvres d’art, 47 % organisent des rencontres avec les artistes et 59 % effectuent des prêts à des institutions nationales ou étrangères, enrichissant les expositions et participant de ce fait à l’attractivité culturelle du pays. C’est la vitalité de la vie artistique qui est soutenue. Si un report de trois ans a pu être obtenu jusqu’en 2025, les organisations professionnelles du secteur le perçoivent comme un sursis et restent mobilisées sur l’étude économique et qualitative de cette incitation. La question d’élargissement de l’incitation pour en faire bénéficier toutes les entreprises individuelles demeure également une voie d’amélioration et un enjeu significatif pour les acteurs des arts visuels.