Quand l’écrin parisien de la collection Al-Thani héberge celle du baron Giorgio Franchetti (1865-1922), le résultat ne peut être que spectaculaire. Plus de soixante-dix œuvres, principalement des peintures et sculptures – dont la plupart quittant le sol vénitien pour la première fois –, s’offrent au regard des visiteurs. C’est en juillet 1916, alors que la cité des Doges ploie sous les bombardements, que le baron fait don de sa collection et du palais qui l’abrite à l’État italien. Rongé par une maladie qui le pousse à mettre fin à ses jours à 57 ans, il ne verra pas l’aboutissement de son projet muséal, qui se concrétise en janvier 1927. Lieu confidentiel oublié des touristes, la Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro, actuellement fermée pour travaux, abrite de nombreux chefs-d’œuvre liés à la mémoire de l’histoire de Venise. C’est d’abord l’origine d’une ville bâtie ex nihilo et ses relations avec le monde qui sont évoquées, au travers de médiums variés tels une Crucifixion de l’atelier de Van Eyck, de petits bronzes dont un remarquable Apollon du Belvédère dû à l’Antico, et des terres cuites. La salle centrale se consacre à l’âge d’or de la scène vénitienne, entre la seconde moitié du XVe et le XVIe siècle, déployant un florilège de peintures et de sculptures qui constituent le noyau de la collection. Jacopo Sansovino y rivalise avec Cristoforo Solari et Tullio Lombardo, tandis qu’aux cimaises Michele da Verona répond au Titien ou au Tintoret. Mais le trésor de l’ensemble demeure sans conteste le Saint Sébastien d’Andrea Mantegna, ultime chef-d’œuvre de l’artiste, découvert dans son atelier après sa mort. Giorgio Franchetti fit édifier une chapelle de marbre, œuvre d’art totale, pour ce tableau que l’on peut admirer pour la première fois d’aussi près. Une galerie de portraits sculptés inspirés de l’antique, de la Renaissance aux prémices du style baroque, clôt le parcours. Ces bustes en ronde bosse témoignent de la quête naturaliste des sculpteurs, influencés par les expérimentations des artistes florentins, et de leur maestria à rendre vivante la matière.