En Occident, l’enfant ne fut considéré pendant des siècles que comme un héritier. Sa représentation obéit aux mêmes codes que celle des adultes, c’est-à-dire indiquer son statut dans la société. Souvent, le portrait dépend d’une commande des parents, de la famille ; les commanditaires sont donc des personnes assez fortunées. Avec les philosophes et la bourgeoisie éclairée des villes, le portrait d’enfant se veut plus spontané, plus expressif. Considéré désormais comme fruit de l’amour, et chéri pour cette raison-même, il évoque l’insouciance du bonheur. Greuze est l’un des premiers artistes à rechercher la vie dans ces têtes d’enfant, appelées aussi têtes d’expression. En les situant dans une action précise et vraisemblable, il livre des scènes charmantes qui séduisent le public. Cette quête de simplicité coïncide avec une heureuse parenthèse dans la profession artistique : la reconnaissance des femmes artistes. Elles n’eurent pas à souffrir du mépris qu’enduraient les écrivaines, souvent obligées de se cacher derrière un pseudonyme. Les beaux-arts étant considérés comme un art d’agrément, la profession est accessible aux femmes, qui y trouvent une reconnaissance publique de leur talent et un succès économique. Les sœurs Lemoine (voir Gazette n° 6, page 13 et n° 10, page 30) bénéficient de ce climat sans trop souffrir de la période révolutionnaire. En l’an V, Marie-Victoire expose deux toiles, dont l’une figure Louis-Henry Gabiou jouant du violon ; le jeune garçon n’est autre que son neveu, fils de Marie-Élisabeth, elle-même peintre, comme leur cadette Marie-Denise, connue sous le nom de Nisa Villers.