Les peuples ont toujours cherché à perpétuer leur culture. Face à une tradition orale fragile, l’écrit est devenu une alternative de choix.
Pour laisser une empreinte de leur passage aux générations qui les suivraient, nos aïeux se sont intéressés à de multiples matières : écorce d’arbres, métaux, pierres, tablettes enduites de cire… Peu de traces de ce type de témoignages en salle de ventes, évidemment, mais bien d’autres exemples de cette belle conquête de l’homme parmi les objets qu’on peut trouver à Drouot et en région !
Laissez parler les petits papiers
Un Manuel complet du marchand papetier et du régleur, publié à Paris en 1854 par un dénommé Fontenelle, nous rappelle que, parmi les civilisations les plus anciennes, toutes ont cherché à pérenniser leurs coutumes et savoirs. Mais rendons-nous à l’évidence : la transmission orale n’est pas toujours la panacée, même si certaines peuplades d’Amérique, d’Asie ou d’Afrique ont vu par ce biais des pans entiers de leur mémoire traverser ainsi les siècles. A contrario, l’Occident n’y est pas aussi bien parvenu, à telle enseigne qu’on désigne communément l’invention de l’écriture comme la frontière entre la préhistoire et l’histoire. Les Égyptiens ont consacré le papyrus, là où d’autres privilégièrent les feuilles de palmier. Il faut cependant attendre 200 av. J.-C. et se rendre à Pergame pour voir des artisans commencer à travailler le parchemin. En effet, l’Égypte, craignant de voir la bibliothèque de Pergame surpasser celle d’Alexandrie, avait suspendu les exportations de son fameux papyrus. Le manuel de Fontenelle nous apprend en outre qu’il faut attendre le XIe siècle pour voir apparaître les premiers papiers de coton, encore très onéreux. L’invention de l’imprimerie par Gutenberg, au XVe siècle, permet d’enrichir les sources d’approvisionnement en papier : papier de paille, chènevotte, papier réglisse, papier de riz… Et, quelques siècles plus tard, un papier dit «de sûreté», épais et idéal pour les dessinateurs, inventé par un certain monsieur Canson... Très complet, ce manuel passe également en revue les différents types d’encre et les variétés de cires à sceller. Ces dernières se versaient, fondues par la flamme d’une chandelle, au dos d’une enveloppe afin de la cacheter. Les armes de l’expéditeur, en négatif sur une chevalière ou un cachet, étaient alors apposées sur la cire encore chaude.
De nos jours, on s’imagine mal utiliser la pointe d’un silex pour décrire une partie de chasse à un ami. Et pourtant, que de parois de grottes ont été marquées de la sorte ! Les Égyptiens, toujours eux, firent figure de précurseurs en taillant les premières plumes, un bout de cuivre attaché à l’extrémité d’un bâton creux. Quant aux Grecs, ils passèrent maître dans l’art d’utiliser des plumes en ivoire, en os ou en métal.
Des porte-plumes à encriers au stylographe
Ce n’est qu’au Moyen Âge que les plumes d’oies, de corbeaux ou de cygnes, ancêtres de nos stylos plume, seront adoptées. Aujourd’hui encore, artistes et calligraphes en font usage pour réaliser des pleins et des déliés, impossibles à rendre avec des stylos modernes, même d’excellente facture. C’est à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre qu’est fabriquée la première plume en acier, qui ne rencontra pas immédiatement le succès escompté. En effet, le stylographe – dont le mot stylo est l’apocope –, ne voit le jour qu’un siècle plus tard, supplantant le bon vieux porte-plume. Avant cela, on trempait sa plume dans un encrier à chaque fin de signe ou de syllabe. Que de patience quand on sait qu’il fallait parfois jusqu’à une minute par lettre pour certains livres enluminés ! Fort heureusement, les encriers à pompe, apparus en 1791, changèrent la donne. L’objectif de cette invention était de parvenir à une bonne conservation de l’encre, qui se coagulait dans les encriers classiques. Plusieurs inventeurs ont essayé de combiner l’encrier et la plume et donnèrent naissance aux «encriers porte-plume», souvent restés à l’ébauche de projet ou de prototype. Les encriers à pompe, quant à eux, disparurent à la fin du XIXe siècle au moment où les premiers stylos firent leur apparition. Un jour de 1938, alors qu’il regardait des enfants jouer aux billes, un journaliste hongrois du nom de László Biró eut l’idée de coincer une petite bille de plomb dans un alvéole afin d’entraîner l’encre contenue dans une cartouche. Le stylo bille était né ! En 1949, le baron Bich racheta le brevet et mit au point la «pointe Bic», lançant dès l’année suivante le premier stylo à bille jetable. Quinze ans plus tard, les écoles françaises l’adoptèrent, reléguant définitivement la plume Sergent Major et les encriers aux oubliettes.
Vers l’écrit mécanique
L’idée d’une machine à écrire automatisée était très ancienne, puisqu’un premier brevet avait été déposé par un Américain, en 1714. Mais la concrétisation de cette idée lumineuse ne vit le jour qu’en 1833, grâce au Français Xavier Progin qui imagina l’association de touches à une barre de frappe s’activant à la façon d’un levier qui déposerait sur le papier une lettre ou un symbole encrés. Enrichie par plusieurs autres inventeurs dans les décennies qui suivirent, la machine à écrire ne commença à être réellement commercialisée qu’au tournant des années 1870 et n’arriva en France qu’en 1883, donnant naissance à un nouveau métier, celui de sténodactylographe. D’année en année, les innovations s’accélérèrent. Des machines mécaniques sans processeur ni électricité, on passa en un quart de siècle des machines électriques à moteur à des modèles industriels commercialisés par la firme IBM dans les années 1930. Quant au terme «mécascriptophile», il ne désigne pas un dinosaure, mais tout simplement un collectionneur de machines à écrire !