Le sort du trésor des Guelfes a été laissé en suspens par la Cour suprême des États-Unis. Le 3 février, celle-ci a rejeté les recours de descendants des victimes de spoliations du nazisme, confirmant le principe de l’incompétence des tribunaux américains à juger des violations des droits de l’homme sur la planète.
La décision, unanime, était prévisible après les réticences exprimées à l’audience du 7 décembre. Elle s’est focalisée sur le trésor des Guelfes, dont la moitié a été vendue à Goering par un trio d’antiquaires juifs berlinois en 1935. Elle se trouve au musée de Berlin (voir l'article Spoliations : droits et limites de la Justice américaine de la Gazette n° 2, page 156). Pour les héritiers, il s’agissait d’une vente forcée, consentie pour un tiers de la valeur par des hommes pressés de fuir le pays. Une commission consultative ayant récusé cet argument, le gouvernement fédéral a refusé toute restitution. Les héritiers se sont tournés vers un tribunal de Washington, réclamant 250 M$ au nom d’une loi de 1976 punissant les pillages commis de par le monde. Mais, pour la Cour suprême, cette loi «ne peut s’appliquer qu’aux étrangers victimes de spoliation», pas aux nationaux. En vertu du principe de souveraineté, il n’est pas possible pour un tribunal américain de juger de la politique intérieure d’un État envers ses propres citoyens et le fait de génocide ne constitue pas une exception recevable. «En tant que nation, nous serions surpris si la justice allemande décidait d’allouer des centaines de millions de dollars pour des violations des droits de l’homme perpétrées il y a des années par le gouvernement américain», a motivé la Cour. Elle prend cependant acte d’un argument : l’hypothèse que les victimes, privées de leurs droits par les lois raciales, «n’étaient plus, au moment de la transaction, des citoyens» de leur propre pays. La loi de 1976 pourrait alors trouver à s’appliquer. L’affaire est donc renvoyée devant les juges de Washington. Le feuilleton est loin d’avoir trouvé son épilogue, avec l’enjeu d’une telle jurisprudence.