Alors que les Augustins et la Fondation Bemberg sont fermés pour rénovation, l’inauguration du musée des Arts précieux Paul-Dupuy rend de nouveau accessible l’un des fonds artistiques les plus riches de la Ville rose.
L’établissement était confidentiel. Dans une ruelle du quartier des Carmes, à Toulouse, l’hôtel particulier Besson, reconnaissable à sa tour capitulaire, cette excroissance architecturale symbole de la réussite sociale des capitouls, abrite depuis un legs de 1944 la collection hétéroclite de Paul Dupuy. Ce riche négociant a fait fortune à la fin du XIXe siècle dans le commerce du cornichon et des cerises avec le Royaume-Uni et la Russie. Parallèlement à son épicerie fine sise à quelques pas de sa demeure, il consacra sa vie à l’étude de sa collection d’arts décoratifs rassemblant quelque six mille ivoires, pièces d’orfèvrerie, armes, objets ethnographiques et autres faïences, du Moyen Âge au XIXe siècle. À la création du musée, ce cabinet de curiosités des temps modernes fut complété par l’important fonds d’arts graphiques de la Ville, puis dès 1954, par la collection d’horlogerie d’Édouard Gellis, alors le plus important collectionneur privé d’horlogerie ancienne. « Au fur et à mesure des années, le musée s’est enrichi de fonds divers, plus ou moins exposés, qui avaient fini par faire perdre la cohérence et la lisibilité des collections », explique Francis Saint-Genez, directeur du musée. Et Pierre Esplugas-Labatut, adjoint chargé de la culture à la mairie de Toulouse, d’enfoncer le clou : « Malgré ses 20 000 objets, 30 000 estampes, 6 000 dessins, les 40 000 cartes postales et le fonds photographique, le musée Paul-Dupuy, qui conserve plus de la moitié du patrimoine de Toulouse, était déclinant, la fréquentation très faible. Il fallait le faire revivre. » Dont acte.
Rénovation impromptue
Trois ans de chantier plus tard, l’institution, qui n’avait pas vu l’ombre d’un rafraîchissement depuis près de quarante ans, renaît. L’objectif n’était pourtant pas des plus ambitieux au lancement des travaux, en 2018. « Nous sommes partis de la remise aux normes nécessaire du bâti : sécurité incendie et accessibilité. L’arrivée du Covid a fait prendre beaucoup de retard, ce qui a été, contre-intuitivement, tout à fait bénéfique, se souvient le directeur. J’ai pu reprendre des budgets de-ci, de-là pour aller plus loin. J’ai obtenu quelques subsides pour la scénographie, puis la réfection de la signalétique, puis le chantier de restauration. Des centaines d’objets étaient en réserve depuis trente ou cinquante ans… » Résultat, la persévérance du conservateur lui permet de réunir la coquette somme d’1,4 M€. La prouesse est d’autant plus salutaire que la Ville est par ailleurs engagée sur la rénovation de la quasi-totalité de son parc muséal. Les travaux de la Fondation Bemberg, fermée jusqu’au premier semestre 2023, pèsent 500 000 € sur le budget de la municipalité. Tandis que le musée des Augustins absorbe une enveloppe de 3 M€ pour une réouverture prévue fin 2025.
Musées dans le musée
Le reste du sous-sol est consacré au matériel précurseur et historique du cinéma, relégué en réserve faute de volonté depuis leur acquisition en 1985, après la vente de la collection de Jean Rouzaud. Ici aussi, le geste est à l’honneur, depuis les fac-similés du « mutoscope », ancêtre du « flip book » à manipuler, à la projection d’une sélection parmi 700 bobines comprenant des reportages sur les métiers anciens. Agencée autour de la table d’optique de 1760, créée à Lyon pour Jean-Louis Bérot et acquise en 2019, la salle intitulée « Peep-show » assume un ton léger et humoristique. « Vous avez dit peep-show ? Laissons un instant le sourire malicieux que le titre de la section a sans doute fait naître au coin de vos lèvres pour poser une question sérieuse », affiche le texte d’introduction. On y apprend qu’avant d’entrer dans le vocabulaire des bas-fonds, le terme ne désigne rien d’autre que la technologie de l’image mouvante. « L’humour n’est pas interdit même quand on est un musée sérieux », glisse le conservateur. Le sérieux est d’ailleurs de mise dans l’ultime chapitre du parcours. Musée dans le musée, le premier étage est entièrement consacré au fond d’horlogerie du XVIe au XXe siècle. S’y déroule un discours sur les liens entre la maîtrise du temps et le pouvoir. Chronologique, le parcours démarrant par l’évocation d’un atelier d’horloger s’enrichit d’éléments mobiliers contextuels. Un tabernacle et la porte du grand consistoire de Toulouse garnissent la salle consacrée au XVIIe siècle, quand la reconstitution du salon du château de Reynerie, aux lustres, consoles et canapés acquis en vente publique en 2008, vient donner vie aux pièces d’horlogerie contemporaines. Entre techniques et merveilles, la diversité des collections oscille tel un pendule.