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Le goût classique d’un hôtel particulier dans les Côtes-d’Armor

Publié le , par Vanessa Schmitz-Grucker
Vente le 04 mai 2023 - 13:30 (CEST) - Salle 1-7 - Hôtel Drouot - 75009

À Quintin, se cache derrière les portes d’un hôtel particulier du XVIIe siècle un intérieur à la fois noble et chaleureux, remarquable travail d’une passionnée, conseillée par son fidèle ami Serge Royaux.

Vue du salon, avec le secrétaire à cylindre d’époque Louis XVI en acajou mouluré,... Le goût classique d’un hôtel particulier dans les Côtes-d’Armor
Vue du salon, avec le secrétaire à cylindre d’époque Louis XVI en acajou mouluré, ouvrant à six tiroirs, quatre vantaux et un abattant découvrant vingt cartons et un tiroir à secret, dessus de marbre blanc, 127 159 82 cm. 
Estimation : 4 000/6 000 

C’est dans la petite rue Saint-Thurian à Quintin, à quelques kilomètres au sud de Saint-Brieuc, que feue notre propriétaire, passionnée d’art et d’histoire, s’éprend d'un hôtel particulier alors en ruine, édifié en 1722 par François Digaultray des Landes, négociant en toile de lin à l’heure où le commerce maritime breton prospère. Inscrite au registre des bâtiments historiques en 2016, la demeure abrite un bel ensemble de boiseries du XVIIIe siècle et s’ouvre sur une cour intérieure, prolongée par un extraordinaire jardin en terrasse redessiné par le paysagiste morbihannais Erwan Tymen. Derrière ses hauts murs en granit, le charme opère dès l’entrée et sa bibliothèque, un intérieur dévoilé à plusieurs reprises dans divers magazines d’architecture et de décoration de référence. Clin d’œil au classicisme, agrémenté d’une discrète touche de fantaisie, à l’image de ses jardins, l’hôtel a été savamment aménagé et décoré par une dame à l’affût, trente ans durant, de l’objet, de la peinture ou du meuble capables de dialoguer avec l’esprit de ses différentes ailes. Parmi les quatre cent cinquante lots dispersés, plusieurs ont été acquis sur les conseils d’un ami proche de la collectionneuse, Serge Royaux, l’un des grands décorateurs français de la seconde moitié du XXe siècle.
 

Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887), Femme au chapeau, vers 1865, terre cuite, h. avec piédouche 80 cm. Estimation : 1 500/2 000 €
Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887), Femme au chapeau, vers 1865, terre cuite, h. avec piédouche 80 cm. 
Estimation : 1 500/2 000 

Adorable pêle-mêle
Au-devant d’une harmonie de buis, d’ifs, de charmes et de lierre dégageant une atmosphère de sérénité, faite de lignes droites et de géométrie, la demeure révèle un véritable goût pour l’antique et le néoclassicisme. Il se traduit par des colonnes et de nombreux objets en marbre, obélisques et médaillons, autant d’hommages au style antique dans un écrin de pierre et de bois abritant un savant mélange des genres et des époques, mais marqué par une certaine rigueur classique. Au milieu du salon, sur un mur bleu roi, les musiciens d’un suiveur de Jean-Baptiste Santerre (1651-1717) sont si vivants qu’on croirait entendre résonner leurs notes de musique au coin de la cheminée. Ce Concert (5 000/7 000 €, voir photo ci-dessous), une imposante huile sur toile de 128 94 cm, n’est pas dépourvu de sensualité, la douceur du visage féminin saisi dans un instant de grâce rappelant les élans fantaisistes, voire érotiques, de Santerre. Dans la chaleur des pièces débordant d’artefacts soigneusement choisis pendant trois décennies auprès d’antiquaires, de décorateurs ou en salles des ventes, surgit une panthère, placide et robuste (4 000/6 000 €). Le félin est un incontournable du corpus de Paul Jouve depuis le succès de ses illustrations pour Le Livre de la jungle en 1914. L’authenticité de ce fusain au monogramme apocryphe a été confirmée par Dominique Suisse. La modernité de ses lignes art déco, travaillées en plusieurs plans très graphiques, trouve sa place entre deux terres cuites d’Albert-Ernest Carrier-Belleuse, une Poule et ses deux poussins (600/800 €) et une Femme au chapeau (1 500/2 000 €). Cet artiste, l’un des plus prolifiques du second Empire, souligne un certain attachement aux signatures françaises, même si en Bretagne le goût anglais n’est jamais bien loin. Ce constat se manifeste ici par une série de huit chaises d’époque Louis-Philippe estampillées Jacob Frères (4 000/6 000 €), au dossier ajouré et finement sculpté, à l’assise recouverte de cuir, qui rappelle le mobilier solide et confortable, épousant les lignes du corps, de l’Angleterre du XIX
e siècle.
 

École française du XVIIIe siècle, suiveur de Jean-Baptiste Santerre (1651-1717), Le Concert, huile sur toile, 128 x 94 cm (détail). Estima
École française du XVIIIe siècle, suiveur de Jean-Baptiste Santerre (1651-1717), Le Concert, huile sur toile, 128 94 cm (détail). 
Estimation : 5 000/7 000 

Louis XVI, toujours chic
Toutefois, c’est le style Louis XVI qui se remarque le plus ici, où l’on peut voir l’influence évidente de Serge Royaux, esthète averti, fasciné par le rigorisme de la ligne droite. Celui qui signa, en 1960, la mise en scène de l’exposition « Louis XVI, faste et décor » au musée des Arts décoratifs de Paris, était décrit comme un homme austère. Il aura sûrement eu à cœur de faire entrer dans ce joli méli-mélo la rigueur du XVIII
e siècle. Outre l’élégante table de bibliothèque en acajou d’époque Louis XVI, attribuée à Riesener (5 000/7 000 €), un secrétaire à cylindre daté de la même époque, dévoilant vingt cartons et un tiroir à secrets sous une galerie de marbre blanc, (4 000/6 000 €), évoque le style de l'ébéniste favori de Marie-Antoinette. Celle-ci fit également appel à Pierre-Benoît Marcion (1769-1840), dont on retrouve un fauteuil quant à lui d’époque Empire, en bois laqué et portant l’étiquette du palais de Compiègne (600/800 €). Dans cet hôtel particulier, ce siège jouxtait une tenture murale taillée dans l’étoffe ayant servi à décorer les murs du Petit Trianon, arrivée à Quintin après la dispersion d’une partie de la collection Serge Royaux, en 2019. Guidée par l’amour des beaux objets, la propriétaire acquiert volontiers des pièces non signées, comme un ensemble de dix-huit vues d’architecture au crayon et lavis (1 500/2 000 €), des feuilles aussi mystérieuses que remarquables. Lectrice assidue de livres d’art et de magazines de décoration, elle exprime un certain sens du lyrisme, notamment par le choix d’un romantique bouquet de fleurs champêtres (2 000/3 000 €), une huile d’une signature discrète, celle de Georges Viard (1805- apr. 1848). Et lorsqu’elle souhaite intégrer habilement une touche rustique – incontournable dans une vieille demeure bretonne –, elle se tourne vers les Flandres pour des scènes pastorales, peintes au XVIIIe siècle sur un paravent à cinq feuilles (3 000/5 000 €). Partout dans cet ensemble singulier où rien n’est laissé au hasard, elle aura imprimé son caractère unique, s’attirant non seulement de jolies publications, mais aussi des reportages télévisés rendant hommage à son travail de goût.

jeudi 04 mai 2023 - 13:30 (CEST) - Live
Salle 1-7 - Hôtel Drouot - 75009
Hôtel des ventes de Mantes-la-Jolie (Taquet)
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