Œuvre emblématique d’Auguste Rodin, la tête d’Honoré de Balzac, au traitement éminemment moderne, fut pourtant l’objet de nombreuses polémiques.
Fondue par Georges Rudier en 1958, cette tête de Balzac a été éditée par le musée Rodin et a aussitôt gagné une collection particulière. Mais Auguste Rodin ne vit jamais d’édition en bronze de cette œuvre, non plus que de sa chère statue d’Honoré de Balzac. Commandé en 1891 par la Société des gens de lettres, dont Émile Zola était alors le président, le monument en hommage à l’écrivain devait connaître de nombreuses péripéties. Après six années de travail – dont deux de retard –, le sculpteur le présenta enfin, en mai 1898, au Salon de la Nationale. S’ensuivit un véritable scandale, les critiques venant aussi bien du public que des professionnels… et la commande fut annulée, au grand dam de Rodin. Le maître se sentit bien incompris après ces années de recherches qui le menèrent vers une représentation totalement renouvelée des grands hommes. Abandonnant l’idée d’un portrait réaliste, il a peu à peu éliminé tout accessoire pour se tourner vers une représentation allégorique de la force créative de l’écrivain. Il reçut tout de même le soutien de nombre d’intellectuels, conscients du génie moderne présidant à cette œuvre. Travaillé indépendamment du corps par l’artiste, le visage presque déformé, d’une expressivité exacerbée, est le reflet de la personnalité tourmentée de Balzac. Bien que la commande soit annulée, Rodin a continué son travail, exposant fièrement le plâtre à l’entrée de son stand à l’exposition universelle de 1900… celui-ci ne fut finalement fondu en bronze qu’en 1939, bien après sa mort.