Applaudissons à tout rompre cette almée qui mènera bientôt la danse des enchères... À laquelle on s’abandonnera avec frénésie.
Théodore Rivière (1857-1912), L’Orientale après la danse du sabre, marbre, h. 114 cm.
Estimation : 60 000/80 000 euros
Suscitant une réelle fascination, l’Orient nourrit au XIXe siècle les rêves d’une société qu’il emmène loin des brumes de l’Europe et du machinisme industriel. Charme des paysages, scènes hautes en couleur, noblesse des cavaliers arabes, magie du désert, odalisques enfermées au harem... Au lieu du traditionnel voyage en Italie, les artistes préfèrent désormais séjourner en Afrique du Nord et au Proche-Orient. Comme le dit Victor Hugo, “Au siècle de Louis XIV, on était helléniste, maintenant on est orientaliste !”. Jean-Léon Gérôme accomplit ainsi de nombreux périples vers l’est de la Méditerranée. En peintre réaliste, il recourt à la photographie tout en dessinant sur le vif. À son retour en France, il recrée un Orient qui associe aux “images exactes” une vision littéraire, mêlant violence et sensualité. Intéressé très tôt par la troisième dimension, il se lie à des sculpteurs de renom du groupe des “Toulousains”, tels Antonin Mercié et Alexandre Falguière. Ce dernier a pour élève Théodore Rivière, également originaire de la ville rose. Élève assidu, il apprend l’art de la statuaire à partir de “tableaux vivants”, de maquettes habillées de tissus et use de la photographie, parfois de moulages sur nature. Il participe également aux nombreuses commandes de l’atelier : monuments commémoratifs, sculptures ornementales, bustes et médaillons. Comme son maître, Rivière, à qui Colette Dumas-Lavallard a consacré en 1997 une monographie universitaire, représente des sujets patriotiques et historiques, à l’instar d’Attila et la horde des Huns, de nos jours au musée de La Piscine, à Roubaix. Mais sa prédilection va aux thèmes orientalistes, traités avec une grande vigueur. En 1876, âgé de dix-neuf ans, Théodore Rivière expose pour la première fois au salon. Six ans plus tard, il y présente une statue, L’Orientale après la danse du sabre ; sculptée en plâtre, elle embellit au début du XXe siècle la collection de mademoiselle d’Andlau.
Le livret du salon la décrit comme “une jeune femme accroupie, les jambes croisées sur un coussin. Elle est en train de rajuster de ses bras libres les nattes de sa coiffure [...] corsage ouvert, pantalon bouffant, un cimeterre repose sur ses genoux”... Ayant grâce à elle obtenu une mention honorable, le sculpteur reproduit L’Orientale en bronze, avec quelques variantes. Notre modèle, inédit sur le marché, provient d’une collection régionale. D’une beauté à la fois limpide et troublante, elle s’inspire des représentations imaginaires de Jean-Léon Gérôme, qui sculpte des danseuses tenant en équilibre des sabres sur leur tête. Saisie après l’effort, notre almée a négligemment abandonné le sabre sur ses genoux et rajuste une tresse sous sa coiffe. Ayant déposé les armes, elle s’apprête pour d’autres luttes... plus polissonnes. Élégance exubérante du modèle, parfait équilibre de la composition, la sculpture se distingue aussi par le naturel étudié de la pose ; conciliant sens de l’exotisme et observation réaliste, elle est le premier fleuron des créations orientalistes du sculpteur. Quelques années plus tard, il découvre Alger, où il modèle des petites figurines, à l’image des Ouled Naïls ou de La Danse des foulards. En 1890, il se rendra en Tunisie, enseignant même le dessin à Carthage. Unissant son goût pour l’histoire à l’orientalisme, Rivière façonnera à son retour en France une Salammbô chez Mathô, je t’aime ! je t’aime; faisant sensation au salon de 1895, elle est considérée comme un chef-d’oeuvre de la sculpture polychrome.