On connaît le bleu « Klein », électrique, vivifiant ; le bleu « Monory », mystérieux, énigmatique ; et puis le bleu « Asse », contemplatif, méditatif, surfant sur l’écume d’un horizon furtif et inaccessible. Pour le galeriste Antoine Laurentin, « le bleu de Geneviève Asse (1923-2021) est un nuancier entre le ciel, la mer et l’horizon. Il y a du bleu-blanc, bleu-gris, bleu-rose, c’est le bleu et la lumière de sa région natale, le Morbihan ». La quarantaine d’œuvres présentées au sein de son espace à Paris couvre la fin des années 1950 jusqu’à 2013. Une exposition qui pourrait être vue comme un long cheminement vers l’apaisement. L’Écran, un tableau de 1958, souligne la fin de la dissolution de tout élément figuratif dans ses compositions. « Aller à l’essentiel », tel était le credo de cette femme silencieuse ayant connu les atrocités de la guerre en tant qu’ambulancière. « Ne plus peindre l’horreur des hommes », disait-elle. Le dénuement et la contemplation sont devenus ses complices de toujours. Sa compagne et écrivaine Silvia Baron Supervielle déclarait avec justesse : « C’est autour d’une ligne, verticale ou horizontale, que se construit l’architecture de son œuvre. » Deux axes moteurs lui permettant de réenchanter les paysages de son enfance où ciel et mer se diluaient en un tout diffus et lumineux. Parfois, un trait rouge vif à l’horizon bouscule cette quiétude. « Une manière à elle, précise Antoine Laurentin, de symboliser la terre. » Un souffle de vie et de civilisation palpable dans Composition (1998) et Pointe du jour (2013). Le bleu « Asse » est un écho paisible à la houle des émotions que peuvent engendrer les vicissitudes de la vie. Il ressemble étrangement à ces vers de Rimbaud : « Elle est retrouvée. / Quoi ? — L’Éternité. / C’est la mer allée / avec le soleil. »