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La toilette sous le Roi-Soleil, tout un art

Publié le , par Caroline Legrand
Vente le 08 juillet 2020 - 14:15 (CEST) - Salle 6 - Hôtel Drouot - 75009

Contrairement à ce qu’on pense parfois, la cour de Louis XIV mettait rigueur et moyens dans son hygiène. La preuve avec ce luxueux carré de toilette.

Paris, vers 1710. Cassette dite « carré de toilette », en palissandre et marqueterie... La toilette sous le Roi-Soleil, tout un art
Paris, vers 1710. Cassette dite « carré de toilette », en palissandre et marqueterie en première partie de laiton gravé sur fond d’écaille brune, bronzes dorés, 13 33,5 25,5 cm.
Estimation 10 000/15 000 

La rumeur veut que les odeurs nauséabondes exhalaient dans tout Versailles. Le Roi-Soleil n’aurait-il pris qu’un seul bain durant sa vie ? Tout ceci relève en réalité de la légende, même si les quelque trois cent cinquante chaises percées éparpillées dans le palais pour les besoins des courtisans entraînaient quelques émanations désagréables, qui se mélangeaient bien souvent à celles venues des écuries voisines. Mais les coutumes en matière d’hygiène n’étaient finalement pas aussi négligentes qu’on se plaît à le croire. L’eau étant alors accusée de propager les maladies, on limite les bains, pratiqués surtout après les efforts physiques. En revanche, chaque jour, on effectue une toilette sèche. Louis XIV se faisait ainsi frictionner tous les matins avec un linge imbibé d’alcool et, surtout, il pouvait changer jusqu’à cinq fois par jour de vêtements. La propreté passe par l’entretien méticuleux du linge, gage d’une apparence distinguée.

La toilette et ses accessoires
Le roi étant un homme raffiné, et doté d’un odorat particulièrement délicat, se trouvait bien souvent incommodé par les nombreux parfums et produits de beauté dont les femmes et les hommes de sa cour abusaient. Car le rite de la toilette était au centre des préoccupations de ses courtisans et des membres de la famille royale, soucieux plus que tout de leur apparence, qui était garante de leur propreté mais aussi de leur rang social. Ainsi sous Louis XIV, les pratiques autour de la toilette se développent largement… et avec elles naissent une multitude d’accessoires de beauté. Le « carré de toilette » fait ainsi partie de ces services pour femmes qui pouvaient se composer de plusieurs dizaines de pièces, chacune tenant un rôle précis dans la valse matinale de la cérémonie mettant en scène les ablutions, le maquillage, la coiffure et la parure. Boîtes à poudre, aiguières et leur bassin, flacons à parfum, miroirs, crachoirs, pots, gantières, épingles et autres ciseaux accompagnaient ce nécessaire qui servait à ranger peignes et brosses. Ainsi, le service de Charlotte-Aglaé d’Orléans, duchesse de Modène et fille du Régent, était composé de quarante et une pièces exécutées à Paris, entre 1717 et 1719, à l’occasion de son mariage (onze furent mises en vente à Paris, chez Christie’s le 27 novembre 2019, dont huit préemptées par le musée du Louvre). À titre de comparaison, celui de la reine Marie-Antoinette n’en possédera « que » trente-sept.

 


Témoins des arts sous Louis XIV
Les services de toilette étaient l’un des cadeaux favoris du roi, notamment à ses filles et à ses petites-filles pour leur mariage, mais encore aux princesses étrangères en cadeaux diplomatiques. Pourtant, le souverain a lui-même tenté de mettre un frein aux dérives de ces luxueuses coutumes à la cour par un décret, promulgué en décembre 1689, limitant le poids de certaines pièces de ces ensembles. En vain. Ces objets allaient devenir les témoins du luxe et du raffinement de la cour du Roi-Soleil, ayant échappé par miracle aux fontes royales et révolutionnaires. Datée vers 1710, notre cassette présente une silhouette caractéristique, d’aspect ovale et formant ressauts à pans coupés à chaque extrémité. Son décor de marqueterie en première partie de laiton gravé sur fond d’écaille brune est d’une grande virtuosité, offrant avec précision des figures originales, à l’image des renommées assises de part et d’autre d’un cartouche renfermant un profil d’homme, lequel est figuré en buste sur les bords du couvercle. Les côtés latéraux présentent quant à eux des termes ailés, à tablier d’acanthe et coiffés d’une ample palmette. Cœurs, flèches et guirlandes sur la doucine du couvercle, portraits d’hommes, mascarons féminins, volutes terminées en têtes de mascarons barbus de profil et oiseaux sur les panneaux longs latéraux… Ce riche répertoire ornemental décline les motifs lancés par les ornemanistes les plus célèbres de l’époque Louis XIV, en tête desquels le célèbre Jean I Berain (1640-1711).

Un travail d’Oppenordt ?
Jusqu’ici, sont connues sept autres créations similaires à celle-ci, par la forme et le type de décor en marqueterie de laiton et d’écaille, passées en vente publique, chez des galeristes ou bien conservées dans des musées. Retenons l’exemplaire du Victoria & Albert Museum de Londres, qui présente un couvercle simplifié, sans les Renommées et les termes feuillagés, des pieds de bronze semblables, et des montants en forme de sphinges ailées. Ce corpus de cassettes pourrait provenir d’un seul et même atelier, celui d’un ébéniste de la fin du règne de Louis XIV, vers 1710-1715. À cette époque, deux ateliers excellent dans la marqueterie métallique – une technique originaire des Flandres et d’Italie, mais portée alors à son plus haut degré de perfection en France : celui d’André-Charles Boulle (1642-1732) et celui d’Alexandre-Jean Oppenordt (vers 1639-1715). C’est le second qui est ici retenu. Les bronzes et les décors marquetés ne correspondent pas aux créations de Boulle, tandis que les réserves rectangulaires, les rosaces, les médaillons trilobés à volutes et les pieds à volutes évoquent tout à fait le travail de l’ébéniste d’origine hollandaise, naturalisé français en 1679 et installé dans les galeries du Louvre à partir de 1684. Devenu ébéniste du roi, Oppenordt n’exécuta pas moins de douze cabinets de marqueterie pour les médailles de Louis XIV, en ébène incrusté de cuivre. Or, sa vie et sa carrière demeurent méconnues, notamment les dernières années… ce qui ajoute à ce carré de toilette une aura de mystère concernant son auteur.

Marqueteries
d’écaille et de métal

en 4 musées
Paris
Musée du Louvre : paire de cabinets d’André-Charles Boulle (1642-1732), vers 1700, bronzes figurant le roi Louis XIV – bureau à gradin de Maximilien-Emmanuel, électeur de Bavière, vers 1715, attribué à l’ébéniste Bernard I Van Riesen Burgh (1670-1738), au sculpteur Sébastien Slodtz et à l’horloger Jacques Gosselin.

Versailles
Musée national du château de Versailles et des Trianons : commode en sarcophage, vers 1708, par André-Charles Boulle.

Londres
Wallace Collection : commode en sarcophage par Alexandre-Jean Oppenordt (1639-1715), Paris, vers 1695, d’après un projet élaboré et gravé par Jean Berain.

Malibu
The Jean-Paul Getty Museum : paire de coffres à piétement, Paris, vers 1695, par André-Charles Boulle.
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