Le décret du 9 mai 2007 a profondément modifié le fameux droit de suite. Enfin une tentative de conciliation entre droits de l’artiste et intérêts du marché de l’art.
Créé en France en 1920, puis modifié par la loi sur le droit d’auteur de 1957, le droit de suite est inaliénable, permettant à un artiste, puis à ses héritiers, pendant soixante-dix ans après sa mort, de percevoir un pourcentage sur la vente de ses oeuvres. Entendez par là les "oeuvres originales graphiques ou plastiques créées par l’auteur lui-même, telles que les tableaux, les collages, les peintures, les dessins, les gravures, les estampes, les lithographies, les sculptures, les tapisseries, les céramiques, les verreries, les photographies et les créations plastiques sur support audiovisuel ou numérique". L’ancienne loi prévoyait un taux uniforme de 3 % du prix de vente des oeuvres dont le montant excédait 100 euros. Ce pourcentage était exigible lors d’une vente aux enchères publiques ou réalisée "par l’intermédiaire d’un commerçant". Ce dernier cas n’a jamais été appliqué, faute pour la France d’avoir publié le décret d’application. Le nouveau régime élimine cette disparité entre ventes aux enchères et celles par l’intermédiaire d’un commerçant, posant comme critère principal l’intervention d’un professionnel. En effet, le droit de suite est désormais exigible à l’occasion d’une vente réalisée en France "dès lors que le vendeur, l’acheteur ou un intermédiaire interviennent dans cette cession dans le cadre de leur activité professionnelle". Il peut donc s’agir des "salles de ventes, galeries d’art et, d’une manière générale, tout commerçant d’oeuvres d’art". Ainsi, les particuliers sont également redevables du droit de suite s’ils ont recours à un courtier. Précisons que l’artiste ne perçoit pas ce droit lorsqu’il cède son oeuvre pour la première fois, ou "lorsque le vendeur a acquis l’oeuvre directement de l’auteur moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10 000 euros.
Un régime plus avantageux pour le vendeur Fixé à 4 % pour un prix de vente inférieur ou égal à 50 000 euros, le taux est de 3 % jusqu’à 200 000, de 1 % jusqu’à 350 000, de 0,5 % jusqu’à 500 000 et, pour la tranche supérieure à 500 000 euros, ce pourcentage s’établit à 0,25 %. En outre, le montant dû à l’artiste ou à ses héritiers ne peut excéder 12 500 euros. Le nouveau régime est donc plus avantageux pour les vendeurs, puisque le pourcentage dû à l’auteur est dorénavant dégressif et que le montant total est plafonné. Si le vendeur a la charge de payer le bénéficiaire dans les quatre mois à compter de la vente, le professionnel du marché de l’art est, dans tous les cas, «responsable du paiement». À ce titre, le professionnel doit conserver à disposition des bénéficiaires les données personnelles du vendeur pendant trois ans. Le décret prévoit en outre la mise en place d’une société de gestion, qui procédera aux diligences nécessaires afin de trouver le bénéficiaire. Ledit bénéficiaire est le même que sous l’ancienne loi, puisqu’il s’agit toujours de l’artiste ou de ses "héritiers" ayant accepté la succession, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, les ayants droit avec ou sans lien de parenté. À noter : l’élargissement concerne les auteurs étrangers hors Union européenne, qui jouissent du droit de suite à condition que leur pays d’origine ait une loi similaire pour les artistes français –condition dite «de réciprocité» –, ou qui, "au cours de leur carrière artistique, ont participé à la vie de l’art français et ont eu, pendant au moins cinq années, même non consécutives, leur résidence en France". Des termes que, à coup sûr, la jurisprudence ne manquera pas d’interpréter.
Enfin, le décret reprend la logique du code général des impôts pour donner une liste non exhaustive des oeuvres originales en plusieurs exemplaires, mais abolit la jurisprudence Rodin, qui permettait aux héritiers de bénéficier du droit de suite sur des oeuvres posthumes. En effet, les oeuvres originales concernées sont désormais celles "exécutées en nombre limité d’exemplaires et sous la responsabilité de l’auteur [...] si elles sont numérotées ou signées ou dûment autorisées d’une autre manière par l’auteur".
Si les modifications ainsi opérées favorisent les professionnels du marché de l’art et peuvent atténuer l’image négative du droit de suite qu’ignorent Londres et New York, n’oublions pas qu’il ne s’agit pas là de la seule raison à la domination de ces deux places. Peut-être faudrait-il aussi imaginer des mesures fiscales plus favorables, qui redonneraient à Paris sa compétitivité.
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