Les émaux dits yangcai de ce vase impérial sont une prouesse technique remarquable, qui témoigne de l’influence de la peinture occidentale du XVIIIe siècle sur la porcelaine du temps de Qianlong.
À la manière d’un paysage hollandais, le décor de ce vase s’apprécie pleinement en s’immergeant dans la multitude de détails minutieux conviant le spectateur à la contemplation. Les deux bandeaux de la panse, cernés d’une frise rose en forme de lingzhi, accueillent un décor à sgraffito, qui semble gravé dans la matière. Les brocarts composés de triangles, évoquant les patchworks très populaires dans la Chine du XVIIIe siècle, font écho aux deux frises de grecques bleues scindant le col. Ces motifs géométriques cohabitent avec d’autres, d’inspiration végétale, qui viennent animer l’ensemble : fleurs de lotus, rinceaux, palmettes, chrysanthèmes et anémones reçoivent un pigment blanc et des nuances de coloris créant des effets de perspective, d’ombres et de lumière. Apercevoir des grecques, des feuilles d’acanthe et des jeux de profondeur sur une création chinoise peut sembler curieux… Et pour cause : cette porcelaine a été peinte dans les ateliers de Jingdezhen selon des techniques empruntées à la peinture occidentale. Elle s’inscrit en cela dans la production des émaux dits yangcai, précisément définis par Tang Ying, le superviseur des fours impériaux sous le règne de Qianlong, comme étant inspirés de l’Ouest. À la faveur des échanges commerciaux développés au XVIe siècle par la Compagnie des Indes, l’iconographie traditionnelle chinoise – confucéenne ou bouddhiste – s’efface progressivement au profit d’éléments de culture européenne. Une révolution. Comme le rappelle Nancy Balard dans sa thèse de 2013 consacrée à la destinée de Jingdezhen, la famille d’émaux roses est née des recherches du chimiste hollandais Andreas Cassius, le découvreur, en 1650, de la formule chimique permettant d’obtenir cette couleur. C’est également par l’entremise des Jésuites que ce pigment parvient à la cour impériale vers 1719, et que les gravures illustrant dessins et tableaux européens intègrent les ateliers chinois, lesquels reprendront sur leurs porcelaines un simple motif décoratif, comme ici, ou une scène mythologique entière. Certains Jésuites étaient rattachés à la Cour en tant que peintres, à l’image du père italien Castiglione et du frère français Jean-Denis Attiret, qui y fondèrent une école de peinture en lien direct avec les artisans de Jingdezhen. Les traditions et techniques picturales occidentales se découvrent alors une nouvelle application, grâce à la capacité des ateliers impériaux de s’adapter aux tendances et à la demande.