Soixante-quatre aquarelles illustrant Les Fables de La Fontaine par Gustave Moreau à la demande d’Antony Roux, l’un de ses principaux collectionneurs, le tout exposé au deuxième et troisième étages de la maison-atelier de l’artiste. Le mot exceptionnel n’est pas trop fort, tant par la qualité des œuvres que par le fait de les réunir toutes. Nombre de ses contemporains, comme Jean-Jacques Grandville ou Gustave Doré, se sont attelés à la tâche avec aisance et gourmandise. Ce qui est loin d’être le cas de Gustave Moreau, à la fois enthousiaste et intimidé par le défi. « Je ne sais pas assez des allures de ces bêtes, de leurs formes même, et ce que je pensais tenir en peu de jours au bout de mon crayon, j’ai dû l’étudier tout un grand mois au Jardin des Plantes », un de ses lieux d’inspiration, comme en témoigne une série de croquis présentée en fin de parcours. L’artiste en tire au fur et à mesure un réel plaisir et une certaine assurance, grâce à la confiance totale que lui voue son commanditaire après une première exposition de vingt-cinq illustrations, organisée par la Société des Aquarellistes en 1881. Dans chacune de ses aquarelles transparaît le plaisir de la recherche et de l’étude, que certains diront besogneux : ce qui s’avère souvent faux au regard de L’Homme entre deux âges et ses deux Maîtresses ou La Tortue et les deux canards. Le trait est enlevé, flamboyant, loin de la rigueur graphique et esthétique mise en avant dans Le Rat de ville et le Rat des champs. L’artiste s’adapte à chacune des fables de son poète préféré. Certaines inspirent le mouvement, d’autres la méticulosité du détail ou encore la densité des volumes, que l’on retrouve dans La Grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf. On salue ici un maître dont André Breton disait que « son triomphe, c’est l’aquarelle ». Une exposition certes « petite » par la taille, mais à déguster avec un œil de gourmet.