Quand la vie quotidienne est sublimée pour donner naissance à une scène monumentale et intemporelle… Debout devant un point d’eau, une femme s’apprête à remplir sa jarre. Assises autour d’elle, d’autres personnages féminins semblent converser à l’ombre des arbres. Les visages sont juste esquissés, les formes simplifiées, le peintre se concentre sur l’essentiel afin de procurer à sa composition une réelle force intérieure. Les couleurs chatoyantes construisent la peinture. Allant du vert au rouge, en passant par des orangés, elles indiquent l’automne. Avec cette œuvre, Léon Charles Canniccioni travaille à l’un de ses tableaux les plus aboutis dont le titre est identique , qui sera présenté au Salon de 1924 et y remportera la médaille d’or. Quelque peu oublié aujourd’hui, le peintre corse connut pourtant une belle carrière. Plusieurs de ses toiles vingt-trois exactement seront acquises par l’État, pour des musées et des lieux publics, et il exposera régulièrement, de 1913 à 1952, au Salon. Fils d’un berger et homme de lettres autodidacte, originaire du village de Moltifao, Canniccioni grandit à Paris, où sa famille s’est exilée en 1880, fuyant la crise économique que subit l’île de Beauté. En 1893, il entre à l’école des Arts décoratifs puis devient élève aux Beaux-Arts dans l’atelier libre de Jean-Léon Gérôme, et dans celui de Gabriel Ferrier. Le premier maître de l’orientalisme eut une grande influence sur le style de Cannicioni. Le second peintre de genre et portraitiste le marquera également : il réaliseront une toile à quatre mains, La Présentation de Jésus au temple, pour l’église de Moltifao. Au Salon de 1911, Cannicioni obtient une bourse de voyage grâce à son Retour à la terre. Il parcourra l’Afrique du Nord, l’Espagne, l’Italie, mais aussi la Corse, où il se rendra régulièrement à partir des années 1920, achetant un appartement à Ajaccio, et dont il deviendra un artiste emblématique. Sa carrière officielle sera couronnée de succès. Connu du Tout-Paris, il se liera même avec le président Paul Doumer, qui lui commandera vers 1930 une Vue du golfe d’Ajaccio.