Lorsque, dans les années 1920, Otto Mueller (1874-1930) exécute cette lithographie en couleurs et cette aquarelle sur carte postale, il enseigne à l’académie nationale des beaux-arts de Breslau depuis plusieurs années déjà. C’est dans cette importante ville de la Silésie allemande qui allait devenir polonaise après les accords de Potsdam sous le nom de Wroclaw qu’il rencontre son ami et mécène Ismar Littmann (1878-1934), que Swann Galleries met aujourd’hui à l’honneur en consacrant un catalogue entier à sa collection d’art ou plutôt, à ce qu’il en reste… Ce juge israélite, qui a acheté l’équivalent d’une œuvre par jour depuis la fin des années 1910, a subi la persécution des nazis, alors en pleine ascension, au point de finir par se suicider en 1934. Tout avait été fait pour le discréditer professionnellement, ainsi que les artistes en sa possession. À la différence de nombreux collectionneurs européens, plutôt enclins à parier sur les avant-gardes françaises, son œil précurseur valorisait l’art allemand, des réalistes de la fin du XIXe siècle à Die Brücke et à la Nouvelle Objectivité, en passant par l’expressionnisme national. Par ailleurs fondateur du musée juif de Breslau, Littmann se plaisait en effet à fréquenter et soutenir les artistes de son temps. Le premier d’entre eux, Otto Mueller dont il possédait aussi bien des huiles sur toile que des lithographies en couleurs et des cartes postales aquarellées de sa main , a eu une influence décisive sur son goût et la constitution de sa collection. Des six mille œuvres réunies dont trois cents peintures à l’huile et cinquante aquarelles , il ne demeure qu’une poignée, que le fils aîné du juge a pu emporter avec lui dans son exil aux États-Unis, avant la fin de cette funeste année 1934. Un ensemble augmenté par des envois ultérieurs de sa mère, demeuré au sein de la famille depuis lors et constituant, aujourd’hui, le plus important jamais dispersé par Swann Galleries en matière d’expressionnisme allemand.