La bibliographie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, autrement appelés chevaliers de Malte, est d’importance. Les bibliophiles apprécient leurs publications précieuses enrichies d’illustrations, portraits et plans gravés.
On l’ignore peut-être, feu le président de la République Valéry Giscard d’Estaing était chevalier de Malte ; il fut même fait, comme autrefois les chefs d’État catholique, bailli grand-croix d’honneur et de dévotion, un titre honorifique qui lui était très cher. Il n’est pas surprenant qu’il ait cherché à posséder quelques ouvrages précieux sur l’histoire de cette institution fondée vers 1060 et reconnue comme ordre religieux en 1113, par une bulle du pape Pascal II. Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, auxquels s’adjoindront plus tard les noms de Rhodes puis de Malte, avaient et ont toujours pour vocation les soins donnés aux malades. Ordre religieux et laïc, et de surcroît souverain, il compte aujourd’hui environ treize mille membres répartis dans le monde. Tout au long de ses quelque 900 ans d’existence, cet ordre n’a cessé de participer à l’histoire tant sous ses aspects politiques, diplomatiques, artistiques et surtout charitables – on ne disait pas, alors, humanitaires. L’essentiel des premiers ouvrages issus de l’ordre est la publication de ses statuts. La compilation la plus ancienne, ressemblant à un code moderne, date de 1292. Ce recueil est resté à la base de ceux qui suivirent jusqu’à la réforme entreprise au XVe siècle par le grand maître et cardinal Pierre d’Aubusson (1423-1503) et dont le mérite revient au vice-chancelier de l’ordre, Guillaume Caoursin (1430-1501), qui était son secrétaire particulier. Les Stabilimenta Rhodiorum Militum sacri ordinis Sancti Joannis Hierosolymitani, composita a Guil. Carousin Vicecancellario Rhodi parurent pour la première fois (in-folio) en 1493. Cet incunable, le premier imprimé des ouvrages consacrés à l’ordre, fut traduit en français sous le titre de Livre des establissements et statuts des chevaliers Rhodiens traduit du latin en 1499 (Pierre Le Rouge, in-folio). L’un de ses intérêts est la suite de trente-six gravures sur bois qui représentent le déroulement de la vie quotidienne des hospitaliers. Hélas, de quelque côté que l’on se tourne, aucun n’apparaît sur le marché. Le dernier que nous avons vu, provenant de la bibliothèque du château de La Roche-Guyon, dans la première édition de 1493, a été vendu l’équivalent de 1 143,36 € à Drouot, le 9 décembre 1981 par Mes Libert Castor, lors de la dispersion de la « Bibliothèque d’un érudit du XIXe siècle ».
Malte et Rhodes
Tout aussi rare est l’édition révisée des statuts de l’ordre de Malte, Statuta hospitalis hierusalem (Rome, 1588, in-folio) dont un exemplaire figurait dans la bibliothèque du président Giscard d’Estaing. Celui-ci – reliure en basane brune marbrée, dans un boîtier de maroquin rouge, croix de l’ordre de Malte blanche soulignée d’un filet doré, mosaïquée au centre du premier plat, par Sangorski & Sutcliffe de Londres – a été adjugé 5 760 €, à Drouot le 13 décembre 2022 par la maison Beaussant Lefèvre & Associés. Cette édition est ornée de quarante planches gravées à l’eau-forte par Phil. Th. Gall [Philippe Thomassin (1562-1622)], et par de nombreuses figures sur cuivre dans le texte, avec encadrement gravé sur bois, représentant les portraits des grands maîtres et diverses scènes relatives à la vie de l’ordre, par le frère Ptolémée Veltronium.
La réunion de la gravure sur métal et sur bois était alors exceptionnelle. L’histoire éditoriale de cet ouvrage, qui connut plusieurs recompositions et tirages, avec un ajout de texte et un autre de planches gravées, explique la diversité des exemplaires constitués, tant en ce qui concerne les planches que les compositions typographiques. Le grand maître Loubens de Verdalle (1581-1595) avait obtenu, après le chapitre général de 1583, que les statuts – approuvés par une bulle du 23 juillet 1586 du pape Sixte Quint – fussent rédigés en « une meilleure forme » et expliqués « dans un style plus net, en langue latine ». Le grand maître reçut le chapeau de cardinal après la parution de cette édition, mais fut fortement contesté par une partie des chevaliers. La bibliographie maltaise est d’importance, tant grâce à son histoire presque millénaire que par les publications enrichies d’illustrations, portraits et plans gravés. Outre ces statuts de 1588, les bibliophiles recherchent également les différentes éditions de l’Obsidionis Rhodiae Urbis Descriptio, d’abord publié à Padoue en 1480 (petit in-4° de 16 feuillets) et à Venise (in-8°). Ce premier incunable sur l’ordre fut largement complété par son auteur Caoursin jusqu’en 1486. Le président Giscard d’Estaing possédait un exemplaire de l’édition originale de la traduction allemande (Strasbourg, Martin Flach, 1513, in-folio), parti à 6 400 €. Du même propriétaire, on cite encore l’ouvrage de Jacques de Bourbon relatant la chute de Rhodes en 1522 (Paris, Gilles de Gourmont, 1526), qui a été acheté 5 760 €. Sans oublier L’Histoire des chevaliers hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, appelez depuis les chevaliers de Rhodes, et aujourd’hui les chevaliers de Malte (à Paris, Chez Rollin, Quillau & Desaint, 1726, 4 volumes in-4°) par l’abbé Vertot (1655-1735), illustré par six cartes repliées et soixante-dix portraits gravés par J.-F. Cars. Cette histoire a de nombreuses fois été rééditée, au moins une quinzaine au XVIIIe siècle. La plus intéressante, outre l’édition originale, est celle de 1761 (Babuty, 7 volumes in-12), car elle est la première augmentée des statuts de l’ordre et d’une liste – incomplète – des chevaliers.