Si cette gouache de Miró est à bien des égards historique, ce n’est pas seulement parce qu’elle marque les débuts d’une tradition postale vouée à une longue postérité. C’est aussi parce qu’elle provient de la collection d’un homme illustre. Fin 2021, la France faisait ses adieux au dernier compagnon de la Libération, Hubert Germain, disparu le 12 octobre à l’âge de 101 ans. Engagé dans les Forces françaises libres après avoir regagné Londres, Hubert Germain mena, après la Seconde Guerre mondiale, une longue carrière politique qui le sacra, entre autres, ministre des Gouvernements Messmer entre 1972 et 1974. Lorsque La Poste lance sa première collaboration avec un artiste pour la réalisation d’un timbre en 1974, il est ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones. C’est même lui qui impulse une série artistique faisant appel à la créativité de ses contemporains plutôt qu’à la reproduction, en miniature, d’œuvres existantes, comme c’était le cas depuis André Malraux. Il donne carte blanche à Joan Miró qui, à 81 ans, réinterprète le célèbre oiseau de La Poste. Sous le pinceau du surréaliste, le logotype des PTT, cet oiseau stylisé dit l’oiseau-flèche, encore utilisé de nos jours et créé par l’affichiste Guy Georget en 1960, devient une chimère haute en couleur. Symbole du messager et de la conquête des airs, l’oiseau est aussi une figure de la liberté, notion chère à Joan Miró qui n’avait, par ailleurs, aucune obligation à s’emparer du thème. C’est aussi l’époque où La Poste commence à réaliser ses premiers timbres en héliogravures, ce qui permet, au contraire de l’ancienne technique en taille douce, un très beau rendu des couleurs vives : Miró joue, comme à son habitude, des trois couleurs primaires et du vert en complémentaire, que couronne le noir de l’encre de Chine. Habitué aux grands formats, il se plie ici à un exercice peu familier puisque cette gouache originale de 30,4 x 22,4 cm était destinée à devenir une pièce miniature de 5,3 x 4,8 cm : aucun trait ne vient perturber l’équilibre de la composition, les aplats de peinture font surgir l’oiseau sur un ciel azur. Émis le 14 septembre 1974, ce timbre n’était assurément pas comme les autres : il coûtait deux francs, là où les timbres standard, l’année de son émission, valaient soixante centimes. Quant aux tarifs lents – qui s’appelaient à l’époque « plis non urgents » –, ils étaient à trente centimes. Autant dire qu’avec L’Oiseau bleu de Miró, les envois étaient aussi poétiques que rapides.