Gazette Drouot logo print

L’art de seconder la main...

Publié le , par Anne Foster

Cette scie figure dans une collection d’instruments chirurgicaux manufacturés par l’un des plus grands magasins de cette spécialité au XIXe siècle. Rendez-vous à Drouot, le 22 mai.

Scie rachitome convexe double, signée trois fois Robert & Collin, vers 1867, acier... L’art de seconder la main...
Scie rachitome convexe double, signée trois fois Robert & Collin, vers 1867, acier poli et gravé, vis en laiton, poignées en ivoire.
Lundi 22 mai 2006, salle 2,Agora Enchères SVV. M. Drulhon.
Adjugé 7 800 € frais compris.

À l’aube de l’humanité, un silex fut utilisé pour une trépanation. Depuis, l’homme n’a cessé d’améliorer l’instrument chirurgical. La transmission du geste fut le point de départ. La familiarité avec le silex tranchant s’acquiert d’abord à la chasse. Il était nécessaire de préparer les peaux, de débiter la viande. Puis vint le jour d’une trépanation et la répétition de l’acte, un savoir spécialisé, la chirurgie... et son indispensable corollaire : l’instrument. Étymologiquement, chirurgie vient du grec kheir, «la main», et organon, «l’instrument». Il faut cependant attendre le début du XIXe siècle pour voir la chirurgie pratiquée par un docteur en médecine spécialisé dans cette discipline. Cet «art» était réservé à partir du XIIIe aux chirurgiens barbiers, regroupés en guilde avec apprentissage. Ils se servent d’instruments employés par d’autres professions (scies, ciseaux, pinces et, bien sûr, couteaux). Grâce à Vésale et à Paré, au XVIe siècle, un progrès considérable est effectué dans l’art de la chirurgie : la dissection, d’où une connaissance anatomique réelle. À chaque nouveau pas dans l’acte chirurgical correspond un matériel de plus en plus précis et complexe. En 1803, un tronc commun de formation est enfin créé, lors du rétablissement des universités abolies à la Révolution. Les «véritables» chirurgiens, Dupuytren, Péan et Larrey œuvre en étroite association avec les couteliers, qui, dès lors, se spécialisent aussi. Des fabricants ouvrent boutique autour de la faculté de médecine, où ils vendent les instruments réalisés dans les ateliers de Nogent-en-Bassigny, près de Chaumont (Haute-Marne), centre de coutellerie. Ainsi, Charrière, né en 1803 à Cerniat, en Suisse, vient à Paris en 1816 comme apprenti coutelier et reprend cinq ans plus tard l’affaire de son patron. Spécialiste en instruments chirurgicaux, il travaille avec Civiale, Dupuytren, Péan, entre autres sommités de l’époque. Célèbre pour l’excellence de ses productions et couvert d’honneurs, il décède en 1876. La maison est reprise par Robert & Collin jusqu’en 1957, année où le concurrent Gentile en devient propriétaire, jusqu’à sa retraite en 1972. Six ans plus tard, une vente d’instruments chirurgicaux de sa collection crée l’évènement à Drouot. Le musée de l’Assistance publique de Paris préemptait à 13 000 F (5 750 € en valeur réactualisée) une scie destinée à ouvrir le canal médullaire sans léser la moelle épinière. Un tel outil est présenté lors de cette vacation consacrée aux instruments chirurgicaux de la maison Charrière et ses successeurs. Outre la sophistication scientifique de cet objet – une poignée supplé-mentaire pour augmenter la pression, une des lames, amovible, peut devenir une simple scie chirurgicale – la beauté de son décor en fait une véritable œuvre d’art.

Gazette Drouot
Bienvenue, La Gazette Drouot vous offre 2 articles.
Il vous reste 1 article(s) à lire.
Je m'abonne