L’hôtel des ventes a depuis plusieurs années des allures de jet-set. S’y côtoient les grands noms de la mode, designers, créateurs, tout autant que ceux du gotha parisien... Drouot n’a certes pas succédé pour la saison des collections au Carrousel du Louvre, mais organise, depuis presque 15 années maintenant des défilés d’un autre genre. Sous la houlette du cabinet d’expertise Chombert-Sternbach, Drouot, vite relayé en ce domaine par les maisons de ventes de province, s’est fait une spécialité des articles de mode, vêtements et accessoires. Le sac à main, produit de luxe par excellence, y trouve une place de choix, d’autant plus importante d’ailleurs, que sa pérennité semble bien supérieure à la mode elle-même. La petite robe en mousseline de Dior n’aura peut-être plus cours cette saison alors que son sac restera, lui, intemporel.
Pas de la fripe
Plus que tout autre accessoire, le sac se laisse voir et marque son appartenance à un style : en quelques mots, dis-moi quel sac tu as et je te dirai qui tu es... Après les grands magasins et les boutiques du faubourg, les clientes viennent à l’hôtel faire leurs emplettes. En rayon, les créations du XXe siècle exclusivement. Pas de petite aumônière, réticule ou balantine, ancêtres gothiques et XVIIIe de nos sacs à main actuels. Vitrine du Faubourg, ces ventes donnent dans l’actuel. L’incontournable sac Kelly, un modèle en croco noir que l’on trouve en boutique autour de 8 000 euros s’achète en ventes publiques à 4 000/4 500 euros. Dès qu’il s’agit d’un croco de couleur, les enchères grimpent mais d’une manière générale en deçà des prix boutiques. Des sacs griffés à moindre frais et sans attente – un délai de six mois environ au faubourg pour un Kelly commande spéciale – vous l’aurez compris, tout est réuni pour le bonheur de ces dames qui, comme chacun le sait, sont par nature pragmatiques et impatientes ! Un nuage dans ce ciel bleu azur : sous l’effet de l’offre et de la demande – pour un sac que l’on ne trouve plus ou l’on ne fabrique plus, pour une commande spéciale – certains résultats dépassent largement tout pronostic. Ainsi, en janvier 2003, un sac Kelly Hermès en croco, fermoir plaqué or, atteignait le prix record de... 16 160 euros, des cas isolés qui ne découragent pas ces dames et ces messieurs professionnels venus, eux, à la recherche d’un détail à l’origine d’une ligne nouvelle.
Du vintage dans l’air
Depuis quelques saisons, ces rendez-vous profitent du phénomène vintage, comprenez des vêtements et accessoires anciens – au moins vingt ans d’âge – remis à la mode (1). Griffés, millésimés, ces derniers témoignent d’une époque, d’un style et intéressent de plus en plus les créateurs et les collectionneurs. Depuis près de 5 ans, la presse people et les magazines spécialisés s’en font régulièrement l’écho. Le thème sera d’ailleurs l’objet d’une exposition vente intitulée « Trésors vintage » jusqu’au 8 octobre au Printemps de la mode. Le phénomène a permis d’introduire dans ces ventes spécialisées des modèles plus anciens, des sacs des années 50 aux années 80. Comme pour les vêtements, le sac vintage doit témoigner d’une époque et d’une ligne. À ne pas confondre avec la fripe. Le vintage exige en effet une vraie culture de mode. Bien de consommation volatile, « le sac n’en témoigne pas moins d’un savoir-faire, d’une époque. Il acquiert ainsi un statut d’œuvre d’art qui, au même titre qu’un tableau doit être conservé », se plaît à rappeler le cabinet d’expertise Chombert-Sternbach. Le phénomène a pris une telle ampleur que les maisons elles-mêmes rééditent leurs classiques, Dior et son sac siglé, Gucci et son sac Bambou, Hermès et ses sacs Birkin, Kelly, Constance. Pour repérer les vrais des faux vintages (comprenez réédition !), une seule manière, confie Dominique Chombert : la signature à l’intérieur. À vous mesdames, les sacs mythiques, le 2-55 de Chanel, le Jackie de Gucci ou encore le Lady Dior, un budget sac en ventes publiques estimé entre 250 et 4 000 euros en moyenne, les enchères à 7 000 ou 8 000 euros n’étant pas rarissimes pour les Kelly et autres Birkin. Pour acquérir un Chanel, il vous faudra compter entre 300 et 500 euros. La présence de la griffe reste un critère absolu, avec quelques must, Hermès, Vuitton, Dior et Chanel.
L’état doit être impeccable, fleur de coin, diraient les numismates, et, qui plus est, aucun changement ou restauration réalisé en dehors de la maison mère. On ne badine pas avec la qualité, les femmes le savent bien. À cela, s’ajoutent les tendances actuelles. La vogue du reptile, la fameuse crocomania, a pour conséquence immédiate la hausse des sacs en crocodile, même non griffés, entre 100 et 600 euros. Autre tendance : les sacs en fourrure, les sacs surréalistes et ceux des années 50. Enfin last trend, but not least, préférez les grands sacs, on y met plusieurs petits.