Le peintre tchèque vécut plus de soixante ans à Paris, toujours à la recherche de la modernité, du fauvisme à l’informel. Une œuvre déroutante, objet d’une exposition à partir du 21 mars au Grand Palais, à Paris.
Des sortes de flammes animent la surface du papier, enserrant des formes, qui s’élancent dans le ciel, vers un rayon de soleil. Ce dynamisme est amplifié par le noir d’ébène qui rythme la composition. «Pour l’artiste, la seule chose qui compte, c’est la démarche de création dans laquelle les deux mondes l’abstrait et le réel s’affrontent», affirmait Kupka. Le plus étonnant est de l’avoir mise en œuvre très tôt. Né en 1871 à Opocno, en Bohême (Tchécoslovaquie), il entre à l’âge de 13 ans comme apprenti chez un sellier-bourrelier ; quatre ans plus tard, il suit les cours d’un peintre suédois, Aloïs Strudnicka (1842-1927), qui l’initie à la théorie des couleurs et au tracé géométrique des cercles et des entrelacs. Il est déjà bien proche de l’informel lorsqu’il s’installe à Paris, à Montmartre, près de son compatriote Alfons Mucha, à la fin des années 1890, ensuite à Puteaux, à partir de 1906 et où il meurt en 1957. Pour gagner sa vie, il fournit des dessins, notamment à L’Assiette au beurre, journal du groupe anarchiste dont il est proche. Sa peinture est plus conventionnelle, dans le goût de la Belle Époque. Il poursuit néanmoins ses recherches sur les couleurs dont La Gamme jaune, brossée en 1907, est un étonnant exemple, déjà très différent de l’esprit fauve. Quelques années plus tard, il a déjà sauté le pas de l’abstraction pure : Plans par couleurs (1910-1911) est un pur espace plan sans perspective, avec divisions géométriques de la surface ; Femme cueillant des fleurs, pastel de la même époque, décompose le mouvement en formes dynamiques. Les principes de toute son œuvre sont mis en place. Refusant le terme d’abstrait, Kupka souligne : «La peinture est concrète : couleur, formes, dynamiques. Ce qui compte, c’est l’invention. On doit inventer et puis construire.» Le peintre est sur la même voie que Kandinsky, Mondrian et Delaunay. Engagé pendant la Première Guerre mondiale, il reprendra ses travaux, décidant également de réunir les textes théoriques écrits dans les années 1910-1913, sous le titre de La Création dans les arts plastiques, ouvrage publié à Prague en 1923, et, en français… en 1989. «Que les peintres et sculpteurs essaient de faire face comme [la nature]. Que leur regard pénètre au-delà de la surface», écrit-il ; il applique ce concept rendre visible l’essentiel dans ses gouaches et aquarelles, plus spontanées que ses peintures. Il en résulte une œuvre foisonnante. «L’abstraction de Kupka est étrange», écrit Philippe Dagen dans Le Monde du 1er septembre 2003, «changeante, d’une terrible simplicité ou d’une complexité déroutante».