Kehinde Wiley (né en 1977) s’intéresse à la nature, à l’humain, à la nature humaine. Il a de même toujours été passionné par l’histoire de l’art, par celle avec un grand «H» et par les histoires tout court, les petites, celles de tout un chacun. Ce qui l’a conduit à faire du portrait son cheval de bataille et à séjourner récemment à Tahiti pour dépeindre certains représentants de la communauté mahu, le nom donné en Polynésie aux personnes du troisième genre, ces «femmes dans un corps d’homme ou ces hommes socialisés comme des femmes», ainsi que le précise l’une d’entre elles – l’un d’entre eux – dans la subtile vidéo réalisée sur place par l’artiste. Finalement, son voyage donne surtout lieu à une importante série de toiles, dont certaines ont un côté «Pierre et Gilles chez Gauguin». D’autres se réfèrent aux orientalistes. D’autres encore, par les motifs de leur fond, ont un aspect pattern painting. Toutes témoignent de ses formidables qualités de portraitiste – il est d’ailleurs le portraitiste officiel de Barak Obama – et de coloriste. L’artiste afro-américain peint en effet ses modèles avec beaucoup d’attention. Il leur donne une prestance, une présence, une histoire, leur histoire. Pas d’effet de plumes intempestives si ce n’est, cerise sur le chapeau, pour quelques coiffures flamboyantes qui sont autant de prétextes à des jeux chromatiques. Car Kehinde Wiley ne mégote pas sur la couleur comme en témoigne, notamment dans The Call, la proximité des rouges, vermillon, fuchsia ou pourpre des robes qui habillent cette nouvelle version des Trois Grâces, avec en arrière-plan tous les verts d’une jungle. Les fonds peuvent aussi être inspirés des motifs de textiles imprimés pour aborder la notion de l’artifice, en contrepoint à la question humaine du (trans)genre. Ou encore à celle de la colonisation, de l’identité et de sa propre histoire, sur laquelle il se penche en fait depuis ses débuts.