Jeux de reflets à Giverny par Vaclav Radimsky

Est-ce de son enfance passée au bord de l’Elbe, à Kolin en Bohême, que Vaclav Radimsky a hérité sa fascination pour les eaux vives ou dormantes des rivières et des étangs ? Quoi qu’il en soit, ce paysage que l’artiste décrit d’un pinceau virtuose, Roseaux, joncs et nénuphars au bord de la Seine près de Giverny, provenant d’une collection privée de l’Eure, a été saisi en France entre 1898 et 1902. On y voit passer le fleuve majestueux avec ses reflets miroitants, dominé par quelques maisons villageoises, alors qu’au premier plan se déploient roseaux et joncs légèrement couchés par le vent, piqués de feuilles de nénuphars. Occupant plus des deux tiers du tableau, cette masse herbeuse ondulant en est le véritable sujet, prétexte à un superbe exercice de style impressionniste, destiné à traduire fidèlement de fugaces conditions atmosphériques… Dix ans avant l’exécution de cette œuvre, Radimsky arrivait à Paris, fort d’un bagage artistique acquis à Vienne et Munich. Dans la capitale de la peinture moderne, il est rapidement introduit dans le milieu créatif par sa compatriote la peintre Zdenka Braunerová, qui lui présente de nombreux artistes français, jeunes ou plus confirmés. C’est ainsi qu’il rencontre Paul Cézanne, sans doute à Barbizon, avec lequel il va partager un atelier à Paris en 1894. Dès cette époque, l’Austro-Hongrois commence à se faire remarquer et apprécier en France. Il reçoit une médaille d’or au Salon de Rouen de 1895 et expose régulièrement ses toiles à celui des artistes français, à Paris, de 1893 à 1900 ; cette année-là, c’est la consécration avec l’obtention d’une médaille de bronze à l’Exposition universelle.

Une inspiration au fil de l’eau
Pour Vaclav Radimsky, 1894 est également une année décisive, car il approche en octobre Claude Monet, muni d’une lettre de recommandation de Cézanne en date du 30 septembre (collection privée). La rencontre a lieu à Giverny, et les deux hommes nouent très vite de véritables liens d’amitié… au point qu’il sera l’un des rares à être autorisé à peindre le fameux jardin du grand maître. Pour l’occasion, il s’installe à l’hôtel Baudy, entouré des dizaines d’artistes internationaux, européens comme américains, qui affluent dans la bourgade avec l’espérance de croiser l’inventeur vénéré de l’impressionnisme. Ce séjour sera d’ailleurs l’occasion de séduire sa future épouse, Louise Fromont, une Vernonnaise qui joue les modèles pour les peintres de passage. Fasciné par la nature authentique et opulente de la région, le peintre s’y installe en 1908, en acquérant un moulin, La Bergamotte, dans le hameau voisin du Goulet. Au total, Radimsky passera vingt-quatre ans à Giverny, jusqu’à son retour, en 1918, dans la toute récente Tchécoslovaquie. Il y aura développé une facture impressionniste brillante, pour saisir toutes les subtilités de son motif favori : l’eau et ses reflets, en l’absence de toute figure humaine… Un style infiniment poétique, et aujourd’hui très apprécié puisque la plupart de ses paysages, similaires au nôtre, avoisinent désormais des scores à six chiffres (source : Artnet).