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Jean-Daniel Compain, l'homme des foires à la tête de BAD+

Publié le , par Annick Colonna-Césari

Organisateur de la FIAC et de Paris Photo durant une vingtaine d’années, il est le fondateur de la BAD+ Art Fair (Bordeaux + Art + Design), dont la deuxième édition ouvre ses portes, entre création contemporaine et art de vivre. Et il a d’autres idées en tête…

DR  Jean-Daniel Compain, l'homme des foires à la tête de BAD+
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C’est une figure incontournable du milieu de l’art, qu’il a pourtant découvert tardivement, après avoir vécu de multiples expériences professionnelles, de la publicité au conseil dans les domaines de l’aéronautique et de la défense, jusqu’à ce qu’en 1996 on lui propose de prendre les rênes du Salon nautique de Paris, propriété de Reed, alors premier organisateur de salons au monde. Six ans plus tard, le groupe nommait Jean-Daniel Compain directeur général de son pôle culture, luxe et loisirs. Et c’est à ce moment-là que son aventure avec l’art a débuté. En effet, dans le portefeuille de Reed figurait la FIAC, Foire internationale d’art contemporain, à l’époque moribonde, et qu’il hissera dans le trio de tête des grandes manifestations internationales, aux côtés d’Art Basel et de Frieze. Dès 2002, il avait aussi racheté le jeune Paris Photo, devenu depuis l’incontournable rendez-vous des passionnés d’images. Il l’a même exporté dans les studios de la Paramount, à Los Angeles. Reed mettra fin à cette incursion américaine en 2016, date à laquelle, à la suite de profondes divergences, Jean-Daniel Compain a claqué la porte. «Je travaille toujours avec passion mais lorsque ça ne m’amuse plus, je pars», explique-t-il. Dans la foulée, il a repris l’organisation de la très chic Biennale des antiquaires parisienne et plus tard créé The WAL (World Art Loundge), plateforme permettant aux petites ou moyennes galeries de louer des espaces dans les plus grandes villes du monde, afin de tester le marché avant de s’implanter. Manque de chance, le lancement, programmé pour mars 2020, a été interrompu par la pandémie. «J’ai perdu beaucoup d’argent dans l’affaire», avoue-t-il. Toutefois, éternel enthousiaste, il n’a pas tardé à rebondir en inventant la BAD+ Art Fair (Bordeaux + Art + Design), dont la deuxième édition est très attendue. Son ambition : tisser des liens entre création artistique et art de vivre, surfant sur la proximité des propriétés viticoles.

Les atouts de la capitale girondine
L’idée a justement pris forme en mars 2020, tandis que Jean-Daniel Compain était confiné dans ses terres natales, près de Bordeaux. «J’y pensais déjà lorsque j’étais chez Reed, se souvient-il. Je ne comprenais pas pourquoi cette ville n’accueillait pas de salon alors qu’elle possède d’indéniables atouts.» Comme Paris et Cannes, la cité girondine, réputée pour son architecture, est d’abord une «marque mondiale», destination privilégiée des adeptes de l’œnotourisme. D’accès facile (à deux heures de Paris en TGV), elle compte une dizaine d’institutions muséales, dont le CAPC, premier centre d’art contemporain de France, qui célèbre cette année son 50e anniversaire. Par ailleurs, la région renferme un important réseau de collectionneurs, plutôt discrets, rattachés notamment aux domaines vinicoles. À l’instar de Bernard Magret, propriétaire du château Pape Clément, qui en 2011 a même ouvert un institut culturel à son nom, où sont exposés ses coups de cœur. Pour héberger le salon, un lieu était tout trouvé : le Hangar 14, bâtiment industriel en bordure de Garonne, idéalement situé à mi-chemin du centre-ville et de la Cité du vin. Pour autant, insiste Jean-Daniel Compain, «avant de monter le projet, je me suis assuré du soutien de la mairie et des institutions bordelaises. C’est, entre autres, par ce biais que nous avions redressé la FIAC». Et dans leur sillage, il a entraîné plusieurs châteaux de renom. L’objectif de BAD + n’est ni de concurrencer la foire Paris+ — qui remplace la FIAC depuis 2022 — ni de promouvoir les stars de la scène contemporaine, mais d’être un salon qualitatif, à taille humaine, comprenant à la fois des galeries établies et d’autres plus jeunes, ouvert bien sûr aux enseignes étrangères, et «notamment espagnoles, géographiquement proches, souvent sous-représentées dans les foires européennes», précise Adrien de Rochebouët, commissaire adjoint du salon. La première édition, en 2022, avait subi des déboires. Elle n’avait pu démarrer début mai selon le calendrier prévu. Et, à cause de la densité des événements, due à leur report après la crise sanitaire, la manifestation avait été décalée en juillet, qui n’était pas non plus une période idéale. Conséquence, sur 60 galeries escomptées, une quarantaine avaient seulement été rassemblées. En outre, une grève avait empêché des collectionneurs de venir. Du coup, la fréquentation était restée «mesurée», autour de 5 000 visiteurs. Néanmoins, le bilan s’était révélé encourageant. «Les exposants ont reconnu que Bordeaux offrait un réel potentiel», résume Adrien de Rochebouët. Certains avaient d’ailleurs enregistré de bons résultats. C’est le cas de Vincent Sator, directeur de la galerie du même nom et membre du comité de pilotage. «BAD+ a même été la meilleure des sept foires auxquelles j’ai participé en 2022», témoigne-t-il. Ajoutant que, «par sa taille, elle permet d’échanger agréablement avec le public». Il a donc renouvelé l’expérience, comme une vingtaine de ses collègues, telles les galeries françaises Rabouan-Moussion, Loeve and Co et Christian Berst ou encore HDM, à cheval entre Londres et Pékin. À noter parmi les arrivants : Christophe Gaillard et Olivier Waltman : «Ce salon réunit tous les critères pour jouer la décentralisation en France», se réjouit ce dernier.

Hors les murs au cœur des vignobles
Cette deuxième édition revient à ses dates initiales, début mai. Et sans aucun doute, elle constituera le véritable test. Une cinquantaine d’enseignes y participent, dont six espagnoles. Le programme s’annonce alléchant. Loeve and Co a sélectionné des artistes phares de l’avant-garde du XXe siècle, Arman, Marcel Duchamp ou Dora Maar. La galerie barcelonaise Joan Gaspar fait dialoguer Picasso et Miró avec des peintres espagnols contemporains tels Antoni Tàpies ou Eduardo Arranz-Bravo. Quant à la jeune création, elle est défendue par Anne-Sarah Bénichou, Vincent Sator ou encore par la ghanéenne Gallery Soview, spécialisée dans la scène ouest-africaine. Comme dans toute foire, la manifestation s’étend hors les murs. Dans la cité sont par exemple déployées huit sculptures monumentales de Denis Monfleur, s’inscrivant dans l’exposition que lui consacre le musée des beaux-arts. Le hors-les-murs se poursuit dans sept châteaux, où sont présentées œuvres ou expositions, dégustations de vins à l’appui. «En tant que vignerons entrepreneurs, nous nous devons d’accompagner ceux qui ont envie d’agir pour la ville. En tant que château, nous avons besoin de continuer d’attirer des visiteurs, et l’art est un bon vecteur», analyse Caroline Teycheney, présidente des Vignobles Jade. Ainsi, au château Fleur de Lisse qu’elle dirige, Barthélémy Toguo a bénéficié d’une carte blanche. Tandis que le château Smith Haut Lafitte propose un parcours sur le thème «L’art et la vigne». «J’ai rarement ressenti autant d’enthousiasme autour d’un projet», constate Jean-Daniel Compain, qui espère susciter par la même occasion des vocations de galeristes. Le «BAD boy» compte également poursuivre son chemin. «Je ne relancerai pas The WAL, comme on me le demande souvent, car cette entreprise nécessite de lourds moyens», confie-t-il. En revanche, il prépare pour octobre 2023, la deuxième édition d’Offscreen, salon dédié à l’image sous toutes ses formes, qu’il avait inauguré l’année dernière, dans la capitale, au moment de Paris+. Et il a sous le coude deux ou trois idées fort intéressantes, encore top secret. Dans le secteur de l’art, auquel il a définitivement pris goût.
 

à voir
BAD + ART FAIR, Bordeaux + Art + Design,
Hangar 14, 115, quai des Chartrons, Bordeaux (33).

Du 4 au 7 mai 2023.
www.bad-bordeaux.com
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