Au début du XXe siècle, les sociétés réunissant les passionnés de beaux ouvrages ont le vent en poupe. La Compagnie des bibliophiles de l’Automobile club de France est l’une des plus importantes d’entre elles. Rien n’est trop beau pour ces amateurs éclairés, qui attachent beaucoup d’importance à l’illustration. Grande figure de l’art déco spécialiste des arts du livre, François-Louis Schmied est ainsi sollicité pour cette version de luxe de L’Odyssée d’Homère. Le texte fondateur de la pensée grecque, dans lequel Ulysse se construit au gré de l’errance de son interminable retour, confronté à ses limites et pourtant toujours fidèle à lui-même et à ses origines, peut être lu et relu à l’infini. Plusieurs traductions en ont d’ailleurs été réalisées ; transposer les hexamètres grecs sans les trahir et tout en conservant leur poésie et leur fraîcheur étant un véritable défi. Homme politique et helléniste, Victor Bérard a misé pour cela sur l’alexandrin français. Sa traduction reste la plus répandue, et fait encore office de référence aujourd’hui. Pour l’illustrer, des ornements se mêlent aux compositions pas moins de cent hors-texte , gravées sur bois par Théo Schmied et mises en couleurs par Jean Saudé. Comble de raffinement, des rehauts d’or et d’argent illuminent les sujets de cette somptueuse publication, tirée à cent-quarante-cinq exemplaires sur le plus fin vélin. La légende veut que près de trois mille bêtes du Haut-Atlas aient été sacrifiées à cette odyssée de l’imprimerie…