À l’occasion du centenaire de la mort du peintre et collectionneur Henri Rouart, le musée Marmottan-Monet lui consacre sa première grande exposition monographique
Henri Rouart (1833-1912), Jeune Femme au jardin, huile sur panneau,collection particulière (musée Marmottan-Monet, Paris)
L’exposition est au diapason du lieu. Le musée Marmottan se prête à une promenade dans le temps au milieu d’un décor naturellement adapté à l’évocation de la famille Manet-Morisot-Rouart, grâce à la générosité des descendants Rouart qui ont légué à l’Académie des beaux-arts plus de cent cinquante oeuvres. Une rêverie perpétrée par cet ami des impressionnistes qu’il accompagna comme confrère et mécène, participant à la presque totalité de leurs expositions grâce à Degas, l’ami fidèle depuis l’enfance dont il fait le portrait. Discret, Henri Rouart, qui a refusé toute exposition personnelle de son vivant – la première rétrospective se tiendra en 1912 à la galerie Durand-Ruel –, peint des sujets qui lui sont familiers.
Les paysages de La Queue-en-Brie, dont il fut maire de 1891 jusqu’à sa mort, et sa propriété sur le domaine de l’Hermitage, des toiles d’intérieur, mais aussi des portraits, ceux de son épouse, Hélène, fille de l’ébéniste Jacob-Desmalters, dont on peut voir des meubles au musée. Les salons du rez-de-chaussée réunissent les paysages, dans lesquels les arbres occupent une place privilégiée, l’incitant à des séries. Le collectionneur de Courbet, Corot et Millet, qui l’initièrent à la peinture, est attentif au changement de saisons et aux incidences lumineuses. Les dominantes jaunes et vertes distinguent sa palette habile à diversifier les nuances claires, avec des transparences, des roses, des bleus et des verts ombrés, notamment dans ses compositions occupées par l’eau. La Seine et les environs de Rouen, Collioure où il séjourne dès 1879-1880, Melun, des paysages entre ciel et eau dont il aime les reflets, le mouvement des nuages, celui du sillage des bateaux. Ses vues portuaires comme celle de ses paysages prennent appui d’un premier plan permettant le recul nécessaire pour rendre vraisemblable le sujet. Il recourt à de minuscules touches pour suggérer.
Un travail particulier sur les ombres, hérité de l’école de Barbizon, lui fait peindre des sous-bois, des bosquets aux contrastes forts que l’on retrouve dans ses intérieurs pris dans une pénombre éclaircie par l’appel d’une fenêtre ouverte. C’est dans cet esprit qu’il représente une Cascade à Royat d’une veine qui rappelle ce torrent de montage en Auvergne brossé par Théodore Rousseau et qui figure dans sa collection. Quelques vues d’intérieur sont l’occasion de découvrir l’environnement familier de Rouart et sa famille. Enfilade de pièces classiques et murs couverts de tableaux de sa collection qui compte Delacroix, Renoir, Cézanne, Manet, Corot, Toulouse-Lautrec, Gauguin, Degas.
Les fleurs constituent un autre pôle d’intérêt pictural avec l’effusion colorée et le savant désordre offert par les massifs. Avec les natures mortes, cette ordonnance raidit quelque peu son geste libéré devant le motif en plein air. Ses toiles sont rarement datées. Quant aux modèles, on identifie son épouse et sa fille Hélène, sa belle-mère, Madame Jacob-Desmalter. Exceptionnel dans sa production, un nu qui évoque un tableau de Delacroix. Entièrement tourné vers son oeuvre, cet ingénieur polytechnicien et industriel n’a jamais cherché la renommée. Il savait partager sa passion de l’art avec ses amis, communiquant à son œuvre ce brin d’authenticité servi par des qualités de vrai peintre.
Musée Marmottan-Monet
2, rue Louis-Boilly, Paris XVIe, tél. : 01 44 96 50 33
Jusqu’au 11 novembre 2012.
www.marmottan.com