Vente le
25 novembre 2017 - 14:00 (CET) -
1, place Boildieu - 75002 Paris
À la belle épreuve : le nom de sa galerie exprime mieux que tous les superlatifs l’exigence de qualité qui a toujours guidé les choix de cet œil aiguisé et pénétrant. Un final grandiose.
Pablo Picasso (1881-1973), suite Vollard, 1930-1937, suite complète des 100 planches, épreuves sur vergé de Montval filigrané «Vollard» ou «Picasso», du tirage à 260 épreuves à petites marges à l’aquatinte, pointe-sèche et grattoirs, toutes signées au crayon par l’artiste, marges : 34 x 44,3 et 34 x 45 cm (détail).
Estimation : 1/1,2M€
Pablo Picasso (1881-1973), suite Vollard, 1930-1937, suite complète des 100 planches, épreuves sur vergé de Montval filigrané «Vollard» ou «Picasso», du tirage à 260 épreuves à petites marges à l’aquatinte, pointe-sèche et grattoirs, toutes signées au crayon par l’artiste, marges : 34 x 44,3 et 34 x 45 cm (détail).
Estimation : 1/1,2M€
Trois initiales – «HMP» – pour un monogramme unique en son genre, à jamais gravé sur le marché des ventes publiques des estampes modernes : celui d’Henri Marie Petiet (1894-1980). Vingt-six belles années émaillées de tant et tant de découvertes pour en arriver, samedi 25 et dimanche 26 novembre prochain, au 50e et dernier acte de cette dispersion, dans le cadre, récemment restauré dans son intégrité, de l’Opéra Comique. Ce lieu choisi pour son prestige aurait certainement eu l’heur de plaire au collectionneur féru de tant de domaines artistiques, grand amateur d’opéras wagnériens. S’il a déjà beaucoup été écrit sur Henri M. Petiet, il convient en ces pages de revenir en quelques lignes sur la carrière et la vie de cette personnalité hors du commun. L’expert Jean-Claude Romand, disparu en 2009, a accompagné nombre des précédentes vacations. Dans les préfaces des catalogues, il exprimait sa chance d’avoir pu le fréquenter et écrivait toute son admiration pour un homme «doté d’une grande intelligence, d’une mémoire prodigieuse, d’une curiosité insatiable, d’une exactitude presque maladive dans ses recherches et ses écrits, d’un exceptionnel esprit d’observation et d’un coup d’œil infaillible, d’un flair et d’une habileté parfois redoutables.» Un condensé parfait. Peut-être ajouterons-nous juste : «D’une élégance à la Manet».
des chiffres 62Le nombre de ventes des collections d’Henri M. Petiet qui se sont tenues à Drouot depuis cette 1991, soit : 46 D'estampes, au rythme de deux par an ; 9de sa bibliothèque ; 5 de ses collections de modèles réduits de trains ; 1 de dessins modernes, et 1 autre de photographies, cartes postales et documents ferroviaires. 31 000 Le nombre d’épreuves non encore publiées de la «Suite Vollard», achetées suite au décès d’Ambroise Vollard.
Une vie de roman Aucun chapitre n’est négligeable dans l’histoire de ce petit-fils d’un ingénieur de la jeune Compagnie des chemins de fer, qui tirera de cette ascendance une passion pour les premiers modèles réduits de trains électriques, n’hésitant pas à les faire circuler dans le salon de son appartement parisien de la rue de Tournon. La Grande Guerre n’épargne pas sa famille et, pour s’extraire de son cortège d’horreurs, il se plonge dans la littérature et les belles illustrations. C’est ainsi que tout naturellement il en vient à s’intéresser à la gravure de son temps. L’hôtel des ventes sera son lieu de formation et de visites quotidiennes. Collectionneur, marchand, Henri M. Petiet se fait aussi éditeur pour tout connaître de cette spécialité. L’exigence est son maître mot. Elle lui permet de s’imposer rapidement dans ce monde discret, dominé par les figures de Paul Prouté, Marcel Guiot, Maurice Le Garrec et Maurice Gobin. En France tout d’abord, en Grande-Bretagne ensuite, puis aux États-Unis, où il sera amené à constituer en un demi-siècle des collections universitaires et muséales de gravures des XIXe et XXe siècles de tout premier ordre ; les musées de Chicago, Boston, Washington et Harvard, entre autres, savent ce qu’ils lui doivent… L’acuité hors norme qui le guide, il l’exprime une nouvelle fois lors de l’achat dans les années d’après-guerre, à la suite du décès d’Ambroise Vollard et de longues et âpres discussions, de toutes les épreuves disponibles de la fameuse «suite Vollard», ainsi que de nombreuses autres œuvres sur papier et livres illustrés. Henri M. Petiet en 1955, lors d’une vente d’estampes chez Kornfeld, à Berne. dr
Un florilège unique en son genre S’il est impossible en quelques lignes de citer tous les peintres avec lesquels Henri M. Petiet fut en relation, il l’est tout autant de ne pas nommer Picasso, Matisse, Bonnard, Redon, Vuillard, Renoir, Cassatt et Laurencin, mais aussi ces artistes moins prestigieux mais passés maîtres dans l’art de l’estampe, tels Dunoyer de Segonzac, Boussingault, Dufresne, Laboureur, Gromaire et Dubreuil, qu’il encourageait, désireux de les faire connaître et apprécier. Les trois derniers cités le représenteront d’ailleurs au milieu de ses estampes. Henri Marie Petiet savait se faire découvreur de talents. Chaque vacation – depuis la toute première du 12 juin 1991, à Drouot – renfermait en son sein son lot rare ou précieux. C’est peu de dire que l’organisation de cette longue série de ventes a été mûrement réfléchie et maîtrisée par les ayants droit, ainsi que par les experts qui se sont succédé au chevet de ce fabuleux ensemble. Guillaume Dufresne, neveu d’Henri Marie Petiet, reconnaît n’avoir que peu à peu pris conscience du travail de Sisyphe que cela représentait (voir interview ci-dessus). Il n’est malheureusement plus possible d’interroger Denise Rousseau, Arsène Bonafous-Murat et Jean-Claude Romand sur leurs coups de cœur. C’est maintenant une seconde génération qui est aux manettes, représentée par Nicolas Romand et Hélène Bonafous-Murat. Cette dernière a voulu revenir plus spécialement sur deux lots qui l’avaient profondément marquée, parce que situés à la frontière de l’estampe et de l’objet d’art et, surtout, du fait que chacun porte en lui l’empreinte de l’artiste. Une pièce unique, tout d’abord, avec le bloc de bois gravé au canif et au burin de La Vague d’Aristide Maillol, accompagné de deux épreuves signées de l’estampe qui en a été tirée, adjugé 31 517 € (Piasa, 5 décembre 2013). La main de Maillol y est presque visible. C’est bien tout son attrait et la qualité du fonds Petiet : détenir des œuvres dans lesquelles on perçoit le cheminement de la pensée du créateur. Une véritable émotion ressentie déjà le 7 juin 2007, toujours à Drouot, lors de la présentation d’une réunion de douze sujets (32 734 €) en épreuves d’essai de Maurice Denis avec des variantes de couleurs, pour certaines avant effaçage des croix de pointure et montrant des annotations autographes manuscrites, «bon à tirer tel quel» ou «avec le jaune plus faible»… Exceptionnel. L’expert tient à insister encore sur le génie des imprimeurs, notamment pour les artistes nabis, avec lesquels ils ont intimement collaboré à la recherche de la couleur la plus juste, et sans qui nombre des lithographies qui émerveillent aujourd’hui n’auraient pas vu la lumière… Pour cette ultime représentation, il fallait une pièce de choix. Elle est là en la forme d’une «suite Vollard» complète de ses cent planches. 1 à 1,2 M€ en sont attendus. Ces cinquante ventes ont imprimé un véritable feu d’artifice dans le ciel de l’estampe. Le bouquet final y résonnera comme un ultime hommage.Edgar Degas (1830-1917), La Toilette, la cuvette, vers 1880-1885, monotype à l'encre noire sur vergé crème fort, 38 x 27,8 cm (détail). Paris, Drouot-Richelieu, 9 juin 2011. Piasa. Mme Bonafous-Murat, M. Romand. Adjugé: 310 340 €
3 QUESTIONs À Guillaume Dufresne Ayant droit de la succession Petiet en charge de la gestion de celle-ci.
Cette 50e vente clôt en beauté une exceptionnelle série. On disait le fonds inépuisable... Alors, pourquoi s'arrêter là ? J'ai trouvé que "50" était un très beau nombre pour un dernier coup d'éclat. Au fil des années, nous avons présenté les plus belles pièces de chacun des artistes et il ne pouvait être question de se contenter d’œuvres que je qualifierais de plus «courantes». J’ai aussi voulu profiter de cette 50e vente pour organiser un véritable événement en l’hommage de mon oncle. Il y a quelque temps, je me suis ému en réalisant que cette mémoire allait disparaître sans laisser de trace écrite. J’ai facilement convaincu ma cousine Christine Oddo, qui n’en était pas à son premier livre, de s’atteler à sa biographie et je lui suis très reconnaissant de cet ouvrage qui vient de paraître. Je voulais aussi, bien que la grande majorité des ventes se soient tenues dans le cadre historique de Drouot, sous le marteau de Jean-Louis Picard, puis dernièrement de David Nordmann, que celle-ci ait lieu dans un endroit unique, en phase avec le personnage, véritable esthète issu du XIXe siècle. Le cadre de l’Opéra Comique me semble parfaitement adéquat.
Vous êtes «tombé» dans le chaudron Petiet à votre naissance. Quand avez-vous pris conscience de son importance et de la gestion qui allait vous incomber ? Après la disparition de mon oncle, toute la famille a décidé de confier la gestion de son fonds à mon père, décédé en 2001, puis à moi. Je dois reconnaître que si nous connaissions sa qualité, ni lui ni moi n’avions mesuré son importance. C’était tout à fait impensable. C’est au bout de plusieurs années de travail que nous en avons progressivement pris conscience et réellement pu mesurer le rayonnement qu’il avait dans le monde entier. Nous étions de plus, par nos univers professionnels respectifs (Guillaume Dufresne est directeur général du groupe CEI, ndlr), assez loin de la réalité de l’estampe. Il nous a fallu nous entourer d’experts et de personnalités qualifiées pour apprendre et promouvoir ce fonds exceptionnel avec un rayonnement international. Par chance, mes bureaux sont situés au cœur de Saint-Germain des-Prés, à deux pas de sa galerie de la rue de Tournon, et du marché de l’estampe. J’ai pu m’en imprégner peu à peu.
Tous ceux qui l’ont connu parlent d’Henri Petiet en vantant ses dons, sa grande courtoisie, son élégance, son érudition. Il avait aussi un certain franc-parler et parfois même la dent dure. Qu’aurait-il pensé de ces ventes et de leur retentissement ? Je suis convaincu qu’il en aurait été heureux et fier, car cette série de cinquante ventes a tiré le marché de l’estampe vers le haut, toujours dans le respect de la belle épreuve. Elle aura servi à donner une aura internationale à ce monde feutré, en associant des conservateurs, des collectionneurs, des marchands et de simples amateurs autour du meilleur de Matisse, Gauguin, Redon, Laboureur, Laurencin et bien évidemment Picasso, l’artiste le plus important de son fonds. Le travail qu’il a effectué sur lui, notamment après son rachat du fonds Vollard, est véritablement ce qui m’aura le plus marqué dans cette expérience inoubliable.
Henri Marie Petiet EN 6 DATES 1894 Naissance, le 17 août. 1927 Première vente Petiet à Drouot, en novembre. 5 vacations pour disperser plus de 1 200 éditions originales et livres illustrés. Il a tout juste 33 ans. 1933 Ouverture de sa galerie À la belle épreuve, 8, rue de Tournon, à Paris. 1939 Décès d’Ambroise Vollard, le 22 juillet. 1980 Le 24 août, Henri Marie Petiet s’éteint, à l’âge de 86 ans. 1991 Première vente d’estampes à Drouot, le 12 juin, par Mes Ader-Picard-Tajan.
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