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Haute joaillerie : GemGeneve 2022, l’édition baromètre

Publié le , par Anna Aznaour

Face au plébiscite de leur édition 2021, les fondateurs du salon genevois songent à une périodicité biannuelle à condition que ce quatrième opus confirme la demande.

«Tordeur de pensées », bague de pouce de la designeuse Gaelle Khouri, en or rose... Haute joaillerie : GemGeneve 2022, l’édition baromètre
«Tordeur de pensées », bague de pouce de la designeuse Gaelle Khouri, en or rose 18 carats et sertie de diamants blancs

Six mois seulement après son rendez-vous précédent, GemGeneve est déjà de retour. Bien que le nombre de participants et de visiteurs de l’édition 2021 ait été légèrement inférieur à celui de 2019, les affaires, elles, ont été clairement florissantes. « Tout le monde avait besoin de ce grand bol d’air après le cache-cache lassant du confinement-déconfinement dû au Covid», s’accordent à dire Thomas Faerber et Ronny Totah. Les fondateurs du salon notent toutefois qu’une certaine prudence s’est installée en cette période d’incertitude. Or, avec la guerre en Ukraine, cette dernière n’est pas près de se tasser. Malgré la crise économique larvée, le marché des pierres précieuses bat son plein et s’en sort mieux que les autres secteurs du luxe. Ainsi, d’après les statistiques, l’année 2021 a été celle de l’envolée de la demande pour le diamant. En janvier dernier, De Beers avait confirmé avoir dépassé de 3,5 Md$ ses ventes de 2019, tandis que le géant russe Alrosa faisait état d’une progression de 50 % des siennes. Mais, depuis l’offensive russe sur Kiev le 24 février, suivie du paquet de sanctions économiques visant le Kremlin, les diamants du pays sont également pénalisés. Doit-on s’attendre à un impact de cet embargo sur GemGenève ?
« Il est encore trop tôt pour mesurer ses retombées, puisque les pierres qui ont été exportées avant le début de la guerre ne sont pas concernées par les sanctions», analyse Thomas Faerber. « Effectivement, précise Ronny Totah, mais n’oublions pas qu’environ 80 
% de ces gemmes taillées sont fournies par l’Inde.» 27 % des diamants du marché mondial proviennent de Russie, premier pays producteur en termes de volume. Pourtant, il n’y a aucun traçage pour les pierres de moins de 0,30 ct, selon un diamantaire suisse, qui pointe l’absence de cette exigence de la part des acheteurs.


Faire des réserves
Toujours est-il que la hausse des prix attendue va très probablement booster les ventes des 160 exposants de GemGeneve 2022, qui feront le trajet depuis une vingtaine de pays. Une prévision renforcée par le constat des problèmes logistiques qui obligent les professionnels à faires des stocks. Spécialisé dans les pierres de couleur, le marchand Yvon Gindre, un fidèle du salon, confie : « Depuis le mois de novembre 2021, les prix de toutes les matières ont augmenté. Le Covid en est la raison principale, puisque les mesures sanitaires ont perturbé toute la chaîne d’approvisionnement : de la mine aux étals. Bien que la progression de la valeur du rubis ait été linéaire depuis des années, les derniers mois, les bonds ont été spectaculaires. Pour ce qui est du saphir, une hausse allant jusqu’à 20 % est d’ores et déjà attendue, alors que les prix pour l’émeraude restent plus ou moins stables.» Des tendances confirmées par la gemmologue Antoinette Starkey, qui souligne également la forte demande pour les spinelles et les tourmalines, avec des répercussions non négligeables sur leurs coûts. Cet engouement pour les pierres précieuses aurait une autre cause, selon Ida Faerber, fille de Thomas : « En ces temps troubles où tout le système, avec ses institutions, est remis en question, les gens se tournent vers les valeurs sûres et facilement transportables. Une prise de conscience que tout peut arriver partout et à n’importe quel moment à laquelle la guerre en Ukraine a largement contribué…» Dans la même veine, la chasseuse de talents du salon note le plébiscite des bijoux des années 1970-1980. Parce que c’est déjà du vintage ? Oui, mais pas seulement. « Leur style en est la principale raison. Volumineux et moins fragiles que les bijoux art déco, ils se marient mieux avec notre mode de vie plutôt décontracté, avec des baskets voire un jean troué, et dans tous les cas des vêtements choisis davantage pour leur confort que pour leur aspect glamour.» Cette tendance semble se refléter également dans les créations des designers de l’édition 2022. Sans tomber dans le conformisme, elles paraissent moins « déjantées» que les années précédentes. Sûrement en raison de l’incertitude économique ambiante, qui invite les créateurs à plus de prudence et les incite à proposer des pièces aux styles plus traditionnels. Mais pas toujours. Ainsi, la bague de pouce Tordeur de pensées, de la Libanaise Gaelle Khouri, étonne par la réinterprétation qu’elle fait du bijou à anneaux multiples, pendant que le titre de sa nouvelle collection, « La Trahison de l’Objet», invite à la découverte.

En période d'incertitude, les acheteurs se tournent vers les valeurs sûres et facilement transportables

L’arbre de l'espoir
Du long cortège des nouveautés 2022 se détache l’énigme intitulée « La Maison». D’après Ronny Totah, il s’agit d’un concept regroupant plusieurs atmosphères différentes que l’on peut rencontrer dans une habitation. Avec son acolyte, l’homme a résisté vaille que vaille à nos assauts de curiosité, ce qui, bien entendu, augmente les attentes quant au caractère exceptionnel de la surprise. Moins de tension cependant avec un grand intérêt pour la conférence « Les Secrets des émaux Fabergé» de Bernard Ivaldi. La présentation du président de la Fondation Igor Carl Fabergé sera illustrée par un arbre de… 15 centimètres. Décorée d’une vingtaine d’œufs, la pièce a été créée par Ivan Davidov, un joaillier de Saint-Pétersbourg, d’après les œuvres originales de l’immense orfèvre exilé en Suisse, où il s’est éteint il y a un siècle.

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