L’exposition «113 ors d’Asie» réunit des trésors des collections du musée national des arts Asiatiques constitués du précieux métal. Autant de pépites qui nous font voyager sur tout un continent.
Avec soixante-mille pièces conservées, le musée national des Arts asiatiques - Guimet n’avait pas conscience qu’il marchait sur l’or. Et pourtant, ses réserves abondent en objets constitués du précieux métal, provenant de tout le continent asiatique. Après une fabuleuse exposition dédiée au jade fin 2016, le musée expose une sélection de cent treize ensembles d’objets en or ou dorés, issus exclusivement de ses collections. Pourtant, prévient Sophie Makariou, sa présidente, «ce n’est pas le moindre des paradoxes que d’organiser une exposition destinée à poser la question de la place de l’or en Asie, à travers les collections du musée. L’orfèvrerie y est numériquement faible, notamment dans les collections chinoises. On ne connaît aucun monnayage d’or chinois, et une seule frappe d’or au Japon, pour le premier millénaire, en 760. Mais c’est le bouddhisme qui lui ouvre de vastes horizons, ceux de résonances symboliques : comment la lumineuse carnation du Bouddha peut-elle être mieux évoquée que par l’or ? La dorure au mercure des sculptures de bronze de Corée, du Tibet, du Népal, de Chine, etc., la dorure des statues laquées de noir du Vietnam ou des sculptures de bois du Japon, en sont autant d’images saisissantes.» Deux grandes statues présentées ensemble dans le parcours en témoignent. Un extraordinaire Bodhisattva Avalokiteshvara à mille bras vietnamien de la fin du XVIIIe siècle, l’une des grandes figures du bouddhisme Mahayana («Grand Véhicule») incarnant la vertu bouddhique de la compassion infinie, est représenté en gloire, entièrement revêtu d’une laque d’or lui donnant une dimension cosmique spectaculaire.
LA LUMIÈRE DU BOUDDHA
La pièce, restaurée pour l’occasion, fait face à un élégant Bouddha Maravijaya thaï de Bangkok de la première moitié du XIXe siècle, en bronze laqué et doré, assis sur un piédestal évoquant le mont Méru (séjour du Bouddha) et protégé par une quintuple ombrelle. «L’or est canonique pour les représentations du bouddha historique Shakyamuni et de certains des bouddhas et bodhisattvas du Mahayana et du tantrisme», précise Valérie Zaleski dans le catalogue de l’exposition. «Le bouddha Shakyamuni est décrit comme ayant une carnation dorée et un corps irradiant, auréolé et nimbé et qui transparaît à travers les vêtements, comme cela a été si bien matérialisé dans l’art gupta et les arts en découlant. (…) Ainsi l’or a-t-il été utilisé pour matérialiser la carnation dorée de Shakyamuni, mais plus largement en tant qu’équivalent de la lumière, pour rendre sensible sur ses figurations cette luminescence qui lui est propre : il est le Bouddha, «l’Éveillé», qui a atteint la lumière rayonnante de la Connaissance suprême ou l’Illumination (bodhi)». L’or consacre aussi la splendeur des sutras, les enseignements du Bouddha, grâce à la chrysographie, ou écriture à l’or. L’exposition révèle de précieux manuscrits de sutras du Lotus, de l’Éveil parfait ou de Méditation provenant de Chine, de Corée et du Japon, calligraphiés entre le XIIe et le XVIe siècle. Sur un beau papier teinté à l’indigo, le texte est écrit à l’encre d’or, souvent précédé d’un frontispice également peint en or, représentant une scène particulière du sutra généralement Bouddha prêchant, entouré de ses disciples, des bodhisattvas ou d’autres êtres. «Promesse d’éternité, l’or défie le temps humain. Pour son quatre-vingtième anniversaire, en 1790, l’empereur de Chine Qianlong fit calligraphier à l’encre d’or des plaques de jade ; des écrits sur l’éthique et la philosophie politiques qui lui survivraient alors qu’il sentait peut-être son terme approcher», écrit Cristina Cramerotti dans le catalogue. Les plaques impériales constituent l’un des chefs-d’œuvre de l’exposition, avec une paire de Paravents aux éventails flottants sur la rivière d’Uji, peints à la poudre d’argent et à la feuille d’or. Ces paravents à fond d’or japonais de l’époque d’Edo (1603-1868) sont présentés avec des tsuba des gardes de sabre, destinées à bloquer et protéger la main lors des combats en bronze incrusté d’or et des objets laqués à fond noir et décor de maki-e («poudre d’or»). Exportateur de poudre d’or, le Japon produisait à l’époque frivole du «monde flottant» (ukiyo) des objets de luxe pour l’exportation, dont une brillante écritoire (suzuribako) à décor de scènes du Dit du Genji en bois laqué d’or et d’argent, ayant appartenu à la reine Marie-Antoinette. Le parcours fait aussi la part belle à des pièces contemporaines, comme ce vase Zenmai («Fougère», 2016) de la céramiste japonaise Hitomi Hosono, en biscuit de porcelaine et feuille d’or, et cette robe bustier en organza métallique or du créateur français de haute couture Franck Sorbier (Vat Phu, 2016), dont la forme élancée évoque le Vat Phu, ou «temple de la montagne» au Laos. Enfin, l’artiste Prune Nourry achève la dernière partie de son Bouddha monumental qui se déploie dans tous les étages du musée depuis le 19 avril. Au sous-sol, une empreinte de pied dorée vient rappeler une pratique des fidèles, déposant des feuilles d’or sur le bouddha en signe d’adoration.