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Giovanni Bellini au musée Jacquemart-André

Publié le , par Armelle Fémelat et Sylvie Blin

Avec une cinquantaine d'œuvres, le musée Jacquemart-André donne à voir et à comprendre l'art de Giovanni Bellini, le précurseur du tonalisme vénitien.

Giovanni Bellini, Le Christ mort soutenu par deux anges, vers 1470-1475, tempera... Giovanni Bellini au musée Jacquemart-André
Giovanni Bellini, Le Christ mort soutenu par deux anges, vers 1470-1475, tempera et huile sur bois, 82,9 66,9 cm (détail).
Photo : Staatliche Museen zu Berlin, emaldegalerie / Christoph Schmidt

Les amateurs de l’art de Giovanni Bellini (vers 1435-1516) peuvent se réjouir : le précurseur de l’école de peinture vénitienne est enfin la tête d’affiche d’une exposition en France. Sous-titrée «influences croisées», elle donne à voir et à comprendre l’œuvre du maître à l’aune de ses multiples sources et ferments d’inspiration. «Giovanni Bellini est un peintre qui observe puis emprunte, transforme puis sublime les formes visuelles les plus diverses, explique dans le catalogue le commissaire de l’exposition Neville Rowley, conservateur à la Gemäldegalerie et au Bode-Museum de Berlin. Son art ne peut donc être pleinement compris sans être mis en présence des modèles qui nourrirent constamment son inspiration.» Le propos ici n’est donc pas de pouvoir admirer les chefs-d’œuvre emblématiques, tels que Le Doge Loredan (vers 1501-1502) sur fond outremer de la National Gallery de Londres, la délicate Jeune femme à sa toilette (1515) du Kunsthistorisches Museum de Vienne ou la Pala di San Giobbe (vers 1478-1480) aux reflets ambrés des Gallerie dell’Accademia de Venise. Point de grand tableau d’autel non plus — les fameuses «Saintes Conversations» à la vénitienne que Giovanni Bellini met au point dans les années 1470 —, trop peu de portraits, et pas de la meilleure veine, mais quantité de tableaux de dévotion privée, de qualité variable… L’exposition nous donne néanmoins à comprendre la manière dont cet artiste sensible et ouvert a su faire feu de tout bois. Elle permet aussi de se rendre compte de l’intuition avec laquelle il détecta et intégra les révolutions en matière de facture, de style et de motif, venues de Florence, de Sicile et du nord de l’Europe – ferments de la modernité artistique de son temps –, tout en s’appuyant sur un solide héritage médiéval et byzantin local. Mais les propositions d’accrochage ne sont pas toutes convaincantes, ni même compréhensibles. En effectuant des rapprochements tour à tour iconographiques, stylistiques voire techniques, la démonstration perd en clarté, d’autant plus que les espaces ingrats du musée ne facilitent pas toujours les confrontations désirées. Certes, le parallèle entre les madones belliniennes à fond d’or et une icône crétoise du Petit Palais s’avère très convaincant. Il en est de même dans la section dévolue au paysage, riche en comparaisons de Vierge à l’Enfant de Bellini, de Cima da Conegliano et de Giorgione. Mais les trois madones de jeunesse venues de collections privées – dont les attributions ne font pas l’unanimité – et la salle dédiée aux dernières années et à la postérité vénitienne du maître déçoivent. Cela malgré les deux toiles, provenant de la Scuola Grande di San Rocco, présentées aux côtés du duo saisissant du Dieu le Père sculpté vers 1500 (Bode-Museum, Berlin) et de sa version peinte par Bellini quelques années plus tard (Musei Civici, Pesaro). L’exposition vaut cependant le détour. Ne serait-ce que pour le face-à-face inédit entre les deux Christ mort soutenu par des anges de Bellini et d’Antonello de Messine, la présence de la sublime Sainte Justine du Vénitien (vers 1470, museo Bagatti Valsecchi, Milan) et des sept très beaux prêts de la Gemäldegalerie de Berlin – fermée pour travaux –, à commencer par la Madone Cook de Giorgione. C’est aussi l’occasion unique de voir les peintures d’Andrea Mantegna ainsi que La Vierge à l’Enfant de Bellini et celle de Cima da Conegliano acquises par Nélie Jacquemart, présentées dans un contexte évoquant leur milieu originel de conception.

«Giovanni Bellini, influences croisées»,
musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann, Paris 
VIIIe, tél. : 01 45 62 11 59.
Jusqu’au 17 juillet 2023.
www.musee-jacquemart-andre.com
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