Si le fond jaune de cette toile évoque une relative sérénité, les explosions de couleur en appellent plutôt à la force créatrice du père de l’abstraction lyrique. Mathieu nous offre ici l’une de ces fulgurances dont il a le secret.
Datée vers 1988, cette toile émane de la famille d’un ancien galeriste à Stockholm et ami du peintre. C’est d’ailleurs la même provenance qu’affiche une autre œuvre présentée à Bourges, une Composition à l’encre et gouache de 1958, annoncée à 6 000/8 000 €. Georges Mathieu choisissait avec minutie ses titres, qui donnaient du sens à ses œuvres, une ligne de lecture qu’elle soit d’ordre historique dans les années 1950 ou plus intuitive dans les années 1980. À cette époque, l’artiste, remarqué dès 1947 au travers d’une série d’expositions intitulées par lui-même « Abstraction lyrique», est au sommet de sa carrière. Il est un peintre admiré de tous, ses œuvres garnissent les plus grandes collections, c’est à lui que l’on a confié en 1974 la réalisation de la nouvelle pièce de 10 F et il est depuis 1975 le père du logo d’Antenne 2. Fort de ce succès, d’une sérénité intérieure et artistique enfin acquise, il fait évoluer sa peinture, à partir de 1985, vers plus d’explosivité et d’émotion. en substituant à la composition centrale des formes et des signes, peints à coups de brosse voire à la main, avec des tubes de couleur projetés en coulées, taches ou éclaboussures, qui envahissent l’intégralité de la surface. Particulièrement fécond, ce «tournant cosmique» donnera naissance à certaines des plus belles compositions de Mathieu, autodidacte aux convictions fortes qui voulait «un changement radical, une absence totale d’idéologique antérieur» dans la peinture. Un changement, un nouveau départ, qui passa par une libération de ses pulsions créatrices : il réalisait ses toiles directement au sol, lors de séances de travail très courtes, telles des catharsis artistiques.