Le geste rapide et net laissant supposer les mouvements du corps du peintre rappelle le travail des calligraphes japonais pour lequel Georges Mathieu avait tant d’admiration.
Le format allongé du tableau et l’opposition entre les lignes verticales et les aplats horizontaux annoncent un tournant dans l’œuvre de l’artiste. Les couleurs crues et pures tranchent sur le fond, où blanc et noir s’opposent. Les lignes fusent sur la toile, jaillissent en des trajectoires déterminées par l’artiste, surgissant des aplats pour redynamiser la composition et donner la mesure de la tension probablement dramatique, que ne reflète en rien le titre. Issu d’une famille de banquiers, Georges Mathieu s’oriente vers des études de droit, qu’il abandonne en 1942 pour se consacrer aux arts plastiques. Le critique d’art Jean-José Marchand évoque à propos de ses toiles, en 1947, la notion d’abstraction lyrique, en opposition à celle géométrique de l’époque. À la représentation de la réalité, Mathieu préfère une gestuelle en accord avec ses émotions, des compositions nettes, précises et dynamiques. En 1957, séjournant au Japon, il découvre, entre autres traditions, la calligraphie. Il restera profondément marqué par cet art apparu sous la dynastie chinoise des Han et développé par les moines bouddhistes. Nourri du geste extrême-oriental, Mathieu en utilise la beauté et la poésie pour construire ses propres compositions, inventer un langage unique, qui lui vaut d’être qualifié de «calligraphe occidental» par André Malraux.