Proche du Havre, cette petite commune de bord de mer attire les peintres amateurs de mer et de ciel nuageux et changeants. Boudin y emmène, les premières années de 1860, Claude Monet.
De petit format, ce pastel a peut-être été réalisé sur place au Perrey, faubourg de pêcheurs du Havre. Monet, tournant le dos à l’église, regarde vers les bâtiments en bois du hameau. Quelques années plus tard, il se serait attaché à représenter plus de mer scintillante, plus de ciel où courent des nuages diaphanes ou chargés. Nous sommes en 1862-1863, il débute dans la peinture. Certes, il avait déjà connu un succès d’estime au Havre, ville où il a passé son enfance, en exposant ses caricatures chez un papetier-encadreur, Gravier ; elles obtiennent un franc succès auprès du public. Le jeune homme met du temps à regarder et apprécier des tableaux exposés dans les vitrines, signés Boudin, ancien associé de Gravier. Peu à peu, les deux hommes vont devenir proches, l’aîné entraînant son cadet à peindre en plein air dans les alentours du Havre, lui dévoilant les beautés des cieux normands, si changeants, si lumineux, à la palette si riche de nuances. Monet lui en sera toujours reconnaissant. Pour l’heure, ses œuvres sont cependant plus proches de l’école de Barbizon : peut-être considérait-il les marines et les cieux de Boudin comme des esquisses, reproche qui sera fait aux impressionnistes ? Les lignes sinueuses des divers retraits des vagues occupent le premier plan, délimitées par l’amas de goémon ; deux avancées rocheuses sont prolongées par des bateaux et des barques de pêche, le mât d’un voilier échoué se détachant sur le bleu papillotant du ciel. L’attention portée au traitement des surfaces, les passages de couleur, les miroitements sur l’eau se retrouveront dans les œuvres des années suivantes et tout au long de son œuvre. Il rencontre Jongkind en 1862, à son retour du service militaire en Algérie, écourtée par une fièvre typhoïde. Monet confiera dans une interview accordée à Thiébault-Sisson, en 1900 : «C’est à lui que je dois l’éducation définitive de mon œil.» L’année suivante, avec Bazille, Monet s’installe à la ferme Saint-Siméon à Honfleur, où ils rejoignent Boudin et Jongkind. Ces artistes ont le soutien d’amateurs havrais, pour la plupart riches négociants installés depuis peu. Ils ont le goût de l’innovation, forment des collections et soutiennent les artistes contemporains. Eugène Boudin résume, avec beaucoup d’humour, cette situation culturelle : «Pas de coton, pas de tableaux». Ils créent en 1906 «Le Cercle d’art», qui organise quatre expositions annuelles où se côtoient les «vieux» comme Monet, et les Fauves entraînés entre autres par Dufy, natif du Havre. Ce pastel a figuré dans les collections d’Émile Billard et d’Alfred Thillard, eux aussi havrais.