Friesz à La Ciotat, une période charnière

Cette toile de 1907 témoigne de ce changement dans la voie qu’il entend poursuivre : garder des accents fauves, rechercher le mouvement par l’agencement de la ligne et des volumes simplifiés. Les couleurs des falaises du Bec de l’aigle sont plus assourdies. Émile Othon Friesz opte pour une palette de violets et de roses, ponctuée de masses ocre orangé. Une ligne sombre souligne le littoral mouvementé de cette calanque ; un ciel nuageux domine la mer aux nuances variées de bleu. Le peintre évite la dureté des aplats de couleur pure en les modulant en minces glacis laissant jouer par transparence la blancheur du support, dans de larges arabesques si caractéristiques de sa manière. Il choisit un site célèbre près de La Ciotat : le Bec de l’aigle, qu’il représente vu du cap Canaille. Friesz se contente d’indiquer le profil caractéristique du pic, qui lui a donné son nom. Il note aussi qu’il est formé d’une matière particulière, le poudingue  terme suggestif, qui désigne une roche sédimentaire compacte où sont mélangés des éléments grossiers aux formes ovoïdes pris dans un ciment naturel, le plus souvent du grès , en l’occurrence, des galets agglomérés, bien arrondis par les flots. Désormais, les styles de Friesz et de Braque vont diverger, le premier restant un «fauve baroque». Lors de leur premier séjour, en 1906, Braque avait été séduit par les maisons nichées dans les collines ; elles lui semblaient ressembler à des cubes. Une année de maturation après, il jette les bases, avec Picasso, du mouvement promis à un avenir resplendissant : le cubisme.