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François Avril ou l’esthétique du trait

Publié le , par La Gazette Drouot

Il a hérité de son enfance trois principes : construction, dessin et musique. Au contact d’Yves Chaland, son père spirituel qui lui a «tout enseigné», son dessin s’est structuré jusqu’à devenir son style.

François Avril dans son atelier parisien. © Victoire Avril François Avril ou l’esthétique du trait
François Avril dans son atelier parisien.
© Victoire Avril

C’est dans un immeuble bruxellois art nouveau qu’est abrité l’atelier de François Avril. Il le partage depuis trois décennies avec sa compagne Dominique Corbasson, artiste elle aussi. Éclairé par de grandes baies vitrées ouvrant ce jour-là sur un ciel au bleu pâle incertain, cet espace de travail paraîtrait pourtant presque austère avec ses hauts murs gris s’il n’était agrémenté de dessins aux murs par dizaines  encadrés ou non tous formats confondus , d’affiches  dont un grand nombre de bandes dessinées , de pots de crayons ou d’encres ou tubes d’acrylique aux couleurs joyeuses, d’objets aussi divers que variés disséminés sur ses tables de travail, dans un semblant de désordre toutefois très organisé. Non loin de l’entrée, quatre vélos se succèdent ! Bienvenue dans un monde de poésie… François Avril nous y accueille, ne sachant que faire de ses lunettes, les portant tantôt à la bouche pour les mordiller, puis les tenant à la main avant de les ajuster au bon endroit, sur le nez ! D’apparence réservée, l’homme aux lunettes voyageuses, qui pratique son art depuis plus d’une trentaine d’années, se montre volubile et ne se fait pas prier quand il s’agit d’en parler justement. Né à Paris en 1961, ville dans laquelle il possède également un atelier, François Avril a commencé par intégrer l’Académie Roederer. «Je suis ensuite entré à l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers rue Olivier-de-Serres et suis sorti en 1984, major de ma promotion», nous explique-t-il, en esquissant un sourire.
 

François Avril, New York rouge, 2011, acrylique sur toile, 97 x 146 cm. © françois avril courtesy huberty-breyne gallery
François Avril, New York rouge, 2011, acrylique sur toile, 97 x 146 cm.
© françois avril courtesy huberty-breyne gallery

Un parcours sans faute
Alors qu’il est à peine âgé de 23 ans, il publie ses premières histoires dans Je Bouquine, un magazine qui s’adresse aux adolescents. Certains lecteurs ont également pu retrouver sa patte dans les colonnes de Marie-Claire, où il a commencé sa carrière, Libération, Lire, Challenges pour ne citer que ceux-là. Si plusieurs maisons prestigieuses  Hermès, Chanel, John Lobb, Renault…  lui passent commande pour des campagnes publicitaires, la Ville de Paris fera également appel à lui en 2012 et en 2013 pour sa campagne Paris Plage. On lui doit aussi de nombreuses estampes en éditions limitées. Seul, ou en collaboration avec des scénaristes, il a également réalisé de nombreux livres pour enfants et quelques bandes dessinées. «La bande dessinée a été capitale dans l’influence de mon graphisme», confirme-t-il. François Avril évolue constamment entre cet univers et celui de l’art contemporain, mais attention, pas n’importe lequel, surtout pas celui où il faut nécessairement un mode d’emploi pour décrypter l’œuvre. Bien au contraire, car, comme l’artiste l’affirme haut et fort  «Je reproduis des paysages tous imaginaires» , le travail n’en reste pas moins parfaitement lisible et identifiable tant dans son coup de crayon que dans sa peinture. D’ailleurs, il admet volontiers que sa peinture est celle d’un… dessinateur. «On y retrouve mon trait noir, présent dans mes dessins. Il structure tout et fait partie de mon écriture, de mon style», explique-t-il. Ah ce fameux trait noir à la mine de plomb par lequel tout commence, et qui possède indéniablement un côté magique ! Certes, si François Avril appartient au monde de l’art contemporain, c’est toujours sous le signe de l’élégance. Lentement mais sûrement, se nourrissant des expériences de la vie, des rencontres… il a fait évoluer son style que l’on reconnaît au premier coup d’œil.

Les villes et les paysages que je dessine n’existent pas. Il s’agit d’impressions.

Décryptage
Alors penchons-nous à présent sur les œuvres qui ponctuent le repaire de notre artiste, essentiellement des paysages  ceux de
Bretagne l’inspirant particulièrement  et des villes  Paris, New York ou Tokyo par exemple , désertées ou non par l’homme. Regardez chaque infime détail et observez attentivement avec quelle dextérité François Avril suggère une silhouette, une fenêtre, un arbre, un parapluie… Si de prime abord, le travail vous semble facile, nous vous mettons au défi de tenter de le copier. L’artiste possède un don inimitable, prend le pouls de chaque lieu, s’en imprègne, pour restituer dans un style épuré en s’affranchissant des contraintes, un paysage idéal, une ville sublimée. Que ce soit à la pointe du crayon ou du bout du pinceau, François Avril va incontestablement à l’essentiel sur le papier ou sur la toile, cette dernière lui permettant d’explorer un champ d’action plus vaste, sans les limites du format papier. Dans une autre vie, il aurait pu être architecte, ses constructions  gratte-ciel compris  semblant si parfaites en tous points. Tout est léger, y compris sa signature, s’étirant horizontalement et qui ne dénature nullement son œuvre mais au contraire lui apporte une touche encore plus personnelle ! À propos de signature, en pointant «l’objet du délit», il nous raconte qu’une cliente, après lui avoir acheté une toile, lui a reproché en ces termes : «Mais quel dommage que vous ne signez pas votre œuvre !» C’est dire si ce paraphe s’intègre parfaitement…

 

François Avril, Transportation, 2013, crayon noir et crayons de couleur sur papier, 21 x 28 cm. © françois avril courtesy huberty-breyne gallery
François Avril, Transportation, 2013, crayon noir et crayons de couleur sur papier, 21 x 28 cm.
© françois avril courtesy huberty-breyne gallery

Un monde rêvé
François Avril expose régulièrement son travail sur toile ou sur papier de Paris à Tokyo, en passant par Genève, Amsterdam, Bruxelles, Dinard, Strasbourg… Un espace lui est réservé depuis 2010 à la Brussels Antiques Fine Art Fair sur le stand de la galerie d’Alain Huberty et Marc Breyne, qui dédie sa programmation au 9e art. Son travail côtoie ainsi celui d’autres artistes sélectionnés par l’équipe : Dominique Corbasson, Philippe Geluck et son chat facétieux, Jean-Claude Götting, Jacques de Loustal, Christophe Chabouté… Aujourd’hui, François Avril dévoile des peintures et dessins inédits aux côtés de recherches personnelles et intimes jamais exposées. Cette présentation met en perspective ses évolutions artistiques et stylistiques au fil de ces onze dernières années. Le titre de l’exposition, «Onze», n’a d’ailleurs pas été choisi par hasard. Le nombre représente pour lui deux «1» côte à côte comme la fusion de deux individus de valeur égale, mais marque aussi un symbole heureux. Il l’a retrouvé à plusieurs reprises au cours de sa carrière  implantés aux numéros 11 les premiers bureaux de Marie-Claire, ceux du quotidien Libération, de l’atelier Lacourière-Frélaut, où il a réalisé ses premières gravures. Sa sélection de dessins va de 2005 à 2016 : onze années ; l’adresse de son atelier parisien, dont la porte d’entrée porte le numéro 11 , et même de manière plus personnelle lorsqu’il a rencontré sa compagne, ils habitaient tous deux aussi au numéro… 11. Mais pour revenir à notre sujet principal, François Avril confie que pour sans cesse progresser, il n’y a pas de mystère, il faut travailler et cent fois sur le métier remettre son ouvrage. «J’aime, dit-il, rester cohérent, c’est peut-être ce qu’il y a de plus complexe.» Inutile de le taquiner en lui faisant remarquer que beaucoup de ses œuvres se ressemblent, car il réagit aussitôt mais fort calmement : «Les paysages sont à l’image des villes, il n’y en a pas deux identiques : la houle n’est jamais la même, l’érosion travaille chaque jour.» Cet artiste-là, il faut bien le reconnaître, sait nous convaincre en effet qu’il a sa propre identité.

À VOIR
«François Avril : Onze», galerie Huberty-Breyne,
91, rue Saint-Honoré, Paris I
er, tél. : 01 40 28 04 71.
Jusqu’au 18 mars 2017.
www.hubertybreyne.com
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