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France télévisions maîtrise le vert

Publié le , par Vincent Noce

Mauvaise nouvelle : à peine lancé par France 2, le concours «À vos pinceaux» a été retiré de la grille des programmes, pour cause d’audience catastrophique. Bonne nouvelle : la série a été basculée sur France 4. Son amateurisme a failli avoir eu raison de la vulgarité qu’elle sut déployer avec tant d’ambition dès ses premiers...

  France télévisions maîtrise le vert
 

Mauvaise nouvelle : à peine lancé par France 2, le concours «À vos pinceaux» a été retiré de la grille des programmes, pour cause d’audience catastrophique. Bonne nouvelle : la série a été basculée sur France 4. Son amateurisme a failli avoir eu raison de la vulgarité qu’elle sut déployer avec tant d’ambition dès ses premiers numéros. Marianne James, aux atours de couleurs difficilement compatibles avec toute émission dans laquelle apparaît le mot «art», orchestre l’élimination impitoyable des peintres amateurs. Cette vedette, qui prend soin de préciser aux magazines qu’elle n’a rien d’une orgueilleuse, comme pourrait le suggérer une légère inclination à parler d’elle à la troisième personne, se définit elle-même comme «un foie gras truffé avec la sauce royale à côté». Elle est donc logiquement attristée de la déprogrammation des «épreuves vertigineuses» de sa «courageuse» émission. Elle, qui voulait donner à «voir l’âme des peintres», aimerait bien se rattraper avec une téléréalité sur «le sexe», et, en attendant, nous annonce la venue d’une artiste à poil. Promesse tenue. On est au top.

On comprend vite que, dans notre beau pays, il y a beaucoup moins de bons peintres du dimanche que de chanteurs ou de cuisiniers.

L’émission est inspirée des compétitions à succès comme «The Voice» ou «Top Chef», mais on comprend vite que, dans notre beau pays, il y a beaucoup moins de bons peintres du dimanche que de chanteurs ou de cuisiniers, ce qui serait sans doute confirmé par les statistiques. De bric et de broc, la mise en scène et les acteurs sont loin d’être à la hauteur. Devant un troupeau de vaches, Fabrice Bousteau commente une marine de Nicolas de Staël en adoptant une diction grotesque. Les échanges avec les candidats atteignent des sommets : «c’est difficile à maîtriser, le vert, parce que cela se fait avec du bleu et du jaune.» L’expression mériterait d’être gravée dans le marbre. Les résultats sont pathétiques. Peu importe, puisque ces productions tournent sur des mécaniques d’exclusion. Ces caricatures sont à l’exact opposé du respect du travail et de la transmission du savoir portés, dans les métiers d’art, par la tradition du compagnonnage. Le tutoiement est de rigueur. On démarre plutôt copains. Une fois le candidat en confiance, pointe la moquerie. «Tu te laisses faire, alors toi, t’es libre... mais tu vois, quand on prend des risques, le problème, c’est que cela ne marche pas toujours.» «Quelques traits fins pour symboliser la cage... c’est un peu ridicule...» Vient l’estocade. Fabrice Bousteau, toujours : «Picasso dit : “je ne cherche pas, je trouve”. Tu n’as pas trouvé.» Ou encore: «Plutôt que des cyclistes, moi, je vois de gros bœufs.» «C’est… totalement raté.» Le suspense introduit la pointe indispensable de sadisme. Il n’y a rien de glorieux à voir des amateurs en pleurs après s’être fait rabaisser par un professeur ou un critique ne reculant devant aucune honte. Le Grand Palais s’est prêté à cette opération. En ajoutant les fabliaux à propos de Vinci ou Van Gogh, dont Arte s’est fait une spécialité (ah, le temps regretté de la série «Palettes», d’Alain Jaubert), on se prend à déplorer que Jean-Jacques Aillagon, arrivé au ministère de la Culture il y a une quinzaine d’années, ait cru bon de rappeler le service public à son devoir d’éducation aux beaux-arts. Bonne nouvelle : Vittorio Sgarbi, ex-journaliste fait ministre de la Culture par Berlusconi, a découvert un nouveau Caravage. Mauvaise nouvelle : Vittorio Sgarbi a découvert un nouveau Caravage.



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