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Folle cavalcade russe

Publié le , par Caroline Legrand

Ce grand format illustre le talent de peintre animalier de Nicolaï Sverchkov. Un impressionnant tableau, conservé dans une famille paloise, qui fera vibrer la fibre slave à Bordeaux.

Nicolaï Egorovich Sverchkov (1817-1898), Troïka dans la neige au soleil couchant,... Folle cavalcade russe
Nicolaï Egorovich Sverchkov (1817-1898), Troïka dans la neige au soleil couchant, 1882, huile sur toile, 107 x 84,5 cm.
Estimation : 40 000/60 000 €

On monte dans une troïka, et le rapide équipage avec ses trois chevaux en éventail part au milieu d’un tintement de grelots soulevant une poussière argentée»… Tel est le souvenir de Théophile Gauthier (1811-1872) de ces puissants attelages inventés par les services de poste russes, pourfendant la neige et traversant le pays, aux contrées souvent inhospitalières, avec une incroyable célérité. L’écrivain français est parti à la rencontre de la Russie en octobre 1858. Il y restera six mois au cœur d’un hiver glacial, entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Ce séjour permit de donner naissance, en 1866, à son Voyage en Russie, où il raconte ce peuple encore très mystérieux, qui se révélera un peu plus en France lors de l’Exposition universelle de 1867. Alors invitée d’honneur, la Russie occupe une grande partie du palais principal et a même reconstitué au Champ-de-Mars un village en sa totalité. La culture de l’Empire des tsars s’exporte déjà, tout comme ses artistes. Nicolaï Egorovich Sverchkov passe ainsi trois années à Paris, entre 1862 et 1864. Un séjour durant lequel le peintre fait connaître ses œuvres au grand public français, mais aussi aux dirigeants du pays. Lors d’une exposition, en 1863, Napoléon III acquiert l’une de ses toiles, le Retour de la chasse à l’ours ; quelque temps plus tard, il lui accorde la Légion d’honneur…
Faire jaillir le feu de leurs prunelles et de leurs narines
Les chevaux demeureront durant toute la carrière de Sverchkov ses modèles de prédilection. Cette passion lui a été transmise durant son enfance à Saint-Pétersbourg, où son père était intendant général des Écuries du grand-duc Nicolaï Pavlovitch Romanov, futur empereur Nicolas Ier. Le jeune homme effectue des études classiques à l’école luthérienne St Petri Schule, tout en s’intéressant au dessin et à la peinture, améliorant au fil des années sa technique au service des équidés, des pur-sang aux chevaux de trait des serfs. Théophile Gauthier, qui rencontre le peintre durant son séjour en Russie, admire sa technique, proche des plus grands artistes animaliers du XIXe siècle, tel Alfred de Dreux : «Il connaît admirablement les ressorts de leurs jarrets nerveux, il sait entrelacer les veines sur leur col fumant, faire jaillir le feu de leurs prunelles et de leurs narines». Si Sverchkov commence sa carrière dans l’administration, au ministère de l’Intérieur, il expose dès 1839. Trois ans plus tard, il embrasse cette vocation. Il expose régulièrement, rejoint l’Académie en 1852 avec un tableau décrivant une troïka, est nommé professeur en 1855. L’artiste officiel répond à des commandes impériales, livrant par exemple, en 1864, quatre toiles monumentales à Alexandre II pour le 150e anniversaire de la dynastie Romanov. Il fournira jusqu’en 1882, la cour de grandes scènes historiques ou de batailles, d’un style plus conventionnel que ses tableaux privés. En témoigne notre Troïka dans la neige au soleil couchant, où le réalisme puissant se teinte d’un romantisme très slave. Une toile inconnue du marché, puisqu’elle a été conservée, à Pau, dans la même grande famille depuis des générations, les Yermoloff. Pierre Jean Nicolas Yermoloff (1850-1927) et son épouse, Marie Zélia Paradis, en furent les premiers propriétaires, suivis de leur fils et, par succession et descendance, son actuel propriétaire, depuis 1986.

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