Le musée Soulages accueille Fernand Léger, le peintre du réel, de la couleur, du peuple avec un grand P, auteur d’une œuvre aux antipodes du maître de l’Outrenoir. « Finalement pas tant que cela », confie Benoît Decron, qui poursuit une programmation ambitieuse, après « Cobra et Chaissac », avec le même fil d’Ariane : ici, il prend corps avec Quatre gestes pour un génie, spectacle conçu en hommage à Léonard de Vinci, pour lequel les deux peintres se retrouvent à Amboise en 1952 et travaillent ensemble sur un son et lumière qui ne porte pas encore son nom. Quarante ans les séparent mais la fascination du jeune artiste pour un Fernand Léger figure des avant-gardes est réelle. Soulages en témoigne dans une vidéo enregistrée en 2020, où le peintre revient sur leur rencontre à la galerie Louis Carré. En 85 œuvres, le parcours illustre les thématiques chères à Léger et permet de découvrir en filigrane le travail d’un artiste plus complexe qu’il n’y paraît : la ville, le monde du travail, les loisirs, en cinquante ans de production, de 1906 à 1955, de l’effervescence cubiste aux derniers projets monumentaux, en passant par l’élaboration d’un nouveau réalisme inspiré par la machine, le retour à la figure et les recherches décoratives dans la France du Front populaire, sans oublier l’exil américain. En 1940, Léger embarque pour New York et c’est dans ce pays de tous les contrastes qu’il fait l’expérience de la couleur, des grands formats et de la ville. Mais, dès 1918, Le Mécanicien affirme le recours à un vocabulaire géométrique, que le peintre ne quittera plus, choisissant de faire de la figure humaine une expérience éminemment plastique. Si Les Constructeurs, œuvre emblématique de l’artiste, n’ont pas fait le déplacement depuis Cardiff, les toiles importantes sont là, La Joconde aux clés, les Femmes au bouquet, les Plongeurs et Les Loisirs sur fond rouge.