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Évaluez votre patrimoine artistique

Publié le , par La Gazette Drouot

Répertorier, inventorier… mieux vaut prévenir pour agir ! L’évaluation d’un patrimoine artistique est un exercice à multiples facettes. Mise en lumière.
 

  Évaluez votre patrimoine artistique
 

Si vous interrogez les membres d’une famille pour connaître la valeur d’une œuvre d’art, vous risquez d’obtenir autant d’estimations que de personnes interrogées : valeur historique, valeur affective, valeur espérée  parfois fantasmée , valeur de raison... De plus, les effets de modes ou, a contrario, les phénomènes de rareté peuvent influer de façon importante sur les attentes des acquéreurs et en conséquence sur la «cote» de certains artistes ou objets d’art. Ainsi, l’évaluation d’un patrimoine artistique est un exercice à multiples facettes, qui nécessite avant tout de bien connaître l’artiste, mais également le marché. L’intervention d’un professionnel tiers pour un avis objectif de valeur est le plus souvent préconisé. Mais, quelle est l’utilité d’une telle évaluation ?
Au cours de la période de détention des œuvres
D’un point de vue fiscal, les objets d’art bénéficiant en principe d’une exonération d’ISF, l’évaluation n’est pas nécessaire. La réflexion ne doit toutefois pas se cantonner à ce seul critère. En effet, le référencement et la valorisation sont un préalable essentiel pour bâtir une stratégie patrimoniale de gestion de ces actifs, et guider les choix de conservation, de vente ou de transmission de tout ou partie d’une collection. L’évaluation sera par ailleurs très opportune pour mettre en place des contrats d’assurance en cas de vol ou de sinistre (incendie, inondation…) couvrant l’objet non pas de manière forfaitaire, mais pour une valeur proche de celle du marché, appelée «valeur de remplacement». Pour ce faire, la compagnie d’assurances exigera l’intervention d’un expert pour valoriser l’œuvre. Cette pratique conseillée par les assureurs demeure pourtant à ce jour assez peu répandue. Crainte psychologique d’afficher une valorisation ou simple négligence ? Avant 2004, les compagnies d’assurances étaient tenues de fournir à l’administration fiscale, chaque année, le relevé des contrats souscrits par leurs clients, notamment s’agissant d’objets d’art, d’antiquités, d’objets de collection, voire de bijoux, dès lors que leur valeur était supérieure à 15 000 €. Malgré l’abrogation de cette contrainte déclarative, cette croyance perdure. Pourtant, les propriétaires d’œuvres d’art ont tout intérêt à assurer leurs objets pour prétendre en cas de perte ou destruction à une indemnisation correspondant à leur valeur de remplacement.
Dans une perspective de donation
Les donations d’œuvres d’art sont parfois réalisées uniquement par la remise de la main à la main de l’objet, sans qu’aucune déclaration fiscale ne soit effectuée. Il ne faut pas négliger l’enjeu du risque qui peut dépasser largement l’économie ponctuelle escomptée par la non- déclaration du don : en effet, en l’absence d’enregistrement de la donation lors de l’opération, l’administration sera en droit de taxer la donation lors de sa révélation, par exemple en cas de contrôle au moment d’une succession ou en cas de conflit familial, voire de divorce. L’administration calculera alors les droits de donation sur la valeur actualisée de l’objet, ce qui peut entraîner un montant à acquitter bien supérieur à celui qui aurait dû initialement être payé, notamment si l’œuvre s’est considérablement valorisée entre-temps, outre les intérêts de retard et pénalités. Or, seul le cadre du «présent d’usage» permet d’être exempt de toute taxation et d’être écarté de la liquidation civile de la succession. Pour répondre à cette notion, l’actif donné doit être d’une valeur modique  au regard du patrimoine et des revenus du donateur  et transmis à l’occasion d’un événement (mariage, anniversaire, événement familial particulier ou fête religieuse…). Cette définition laisse la place à la subjectivité et à ses limites. La jurisprudence en la matière est très abondante et l’administration est particulièrement regardante en fonction des enjeux. Utilisée ponctuellement pour des objets sans valeur significative, cette possibilité ne devra pas être retenue en présence de collection ou d’œuvre représentant une valeur supérieure à celle admise par l’usage pour un cadeau. En la matière, afin d’éviter tout risque de requalification, il est conseillé de «révéler» ladite donation par le dépôt d’un imprimé Cerfa, en cas de don manuel, ou de formaliser l’acte via un notaire qui procèdera à la formalité d’enregistrement, avec une mention expresse de la valeur «de marché» de l’œuvre. En présence de plusieurs enfants, il est recommandé de réaliser une donation-partage. Cela permet de figer la valeur des biens au jour de la donation sans réévaluation lors de la succession du donateur, pour le calcul de la réserve héréditaire des enfants, et ainsi d’éviter tout risque de conflit familial ultérieur. L’inventaire des œuvres est alors un outil précieux pour pouvoir constituer les lots attribués à chaque donataire et, le cas échéant, définir une soulte permettant de compenser les écarts d’évaluation entre les ensembles recueillis par chacun.
En cas de succession
Pour évaluer le patrimoine artistique au moment de la succession, deux régimes peuvent être appliqués en fonction de la situation du contribuable, soit le forfait mobilier, soit l’inventaire. Les œuvres d’art peuvent être incluses dans le forfait mobilier de 5 % si elles constituent des meubles meublants. Il s’agit de biens destinés à l’usage et à l’ornement des appartements : objets d’art, tableaux ou meubles anciens, sauf s’il s’agit de collections placées dans des galeries ou des pièces particulières dédiées ou aménagées à cet effet. À noter : en cas de vente publique dans les deux ans à compter du décès, ou d’inventaire ou partage dans les cinq ans à compter du décès, l’administration fiscale pourra remettre en cause l’application du forfait mobilier de 5 %. Par ailleurs, cette dernière aura toujours la possibilité de remettre en cause le forfait si elle apporte la preuve que la valeur vénale est supérieure à 5 % de l’actif brut successoral. Lorsque les œuvres excèdent cette proportion, il sera ainsi déconseillé d’utiliser le forfait à double titre : pour des raisons de valorisation, mais également de traçabilité.
Un impact lors d’une vente ultérieure
Lors d’une succession, la réalisation d’un inventaire (ou d’expertise(s) pour les donations) emporte également des conséquences pour l’héritier (ou le donataire) en cas de cession ultérieure. Celui-ci disposera alors d’une alternative à l’application de la taxe forfaitaire de 6,5 %, calculée sur l’intégralité du prix de vente : il pourra opter pour le régime de droit commun des plus-values sur biens meubles, calculé sur la plus-value uniquement (taux de 34,50 % incluant les prélèvements sociaux, plus, le cas échéant, 4 % maximum de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus). L’assiette de taxation étant déterminée par différence entre le prix de vente et la valeur retenue dans l’acte de donation ou de succession, la plus-value à court terme devrait être résiduelle. Dans l’hypothèse d’une détention sur le long terme, cette option permet de bénéficier d’un abattement de 5 % par année de détention au-delà de la deuxième, et ainsi d’une exonération totale au-delà de vingt-deux ans de détention. Le choix entre ces deux régimes d’imposition sera donc effectué en fonction de la situation propre à chaque vendeur.



Fabien Vatinel est responsable de l’ingénierie patrimoniale et Marie Damourette, ingénieur patrimonial, Banque Neuflize OBC

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