Quand on voit cette composition de loin, elle donne l’impression d’être une huile sur toile très précieuse », indique Sylvie Buisson, la spécialiste de Léonard Tsuguharu Foujita. Il s’agit pourtant d’une œuvre sur papier, réalisée avec une grande précision, dans l’esprit des Primitifs italiens du XVIe siècle. Dès son arrivée à Paris, en 1913, l’artiste a trouvé son inspiration au Louvre, prenant pour modèles des œuvres florentines ou siennoises auxquelle il associe la tradition des estampes japonaises nishiki-e, dont les gracieux sujets à l’encre de Chine sont rehaussés de couleurs. Il a procédé de même en utilisant ici la gouache et l’aquarelle, en complément des délicats tracés noirs de son dessin. L’emploi de tons assez monochromes, pour la carnation comme pour le vêtement, confère une belle harmonie en camaïeux à ce portrait, dont l’intériorité se trouve ainsi renforcée. Rien ne vient distraire l’attention de ce visage recueilli, dont les yeux baissés ne regardent pas directement le spectateur. Il fait la synthèse des physionomies occidentales croisées par le portraitiste, qu’il s’agisse de modèles ou des femmes de ses amis. Comme à la Renaissance, Foujita s’est forgé son propre idéal de beauté féminine. C’est d’ailleurs en référence à Léonard de Vinci, que l’artiste a choisi le même prénom au moment de son baptême, en 1959, suivant sa naturalisation quatre ans plus tôt. Si le voile dont il coiffe sa femme songeuse « évoque plutôt une aristocrate des temps anciens qu’une Madone, cette sorte de coiffe amidonnée faisant une ombre marquée sur le front », comme le remarque Sylvie Buisson, le fond or fait quant à lui référence à la peinture religieuse. À la fois japonais et occidental, profane et sacré, ce sujet est empreint du syncrétisme qui caractérise l’œuvre de Foujita. La spécialiste précise que le dessin préparatoire de cette Jeune femme au voile, exécuté au crayon dans les mêmes dimensions, est passé en vente à l’occasion de la succession Kimiyo Foujita, en 2013. À partir des années 1950, l’artiste définitivement installé en France a systématisé ses dessins, se créant ainsi un répertoire de formes qui trouvaient généralement leur aboutissement dans des œuvres définitives un ou deux ans plus tard. Cette composition date de cette époque, qui est aussi celle du chemin vers la conversion du peintre au catholicisme. Ce portrait intimiste, dont le petit format rappelle par ailleurs les œuvres de dévotion, réjouira les collectionneurs qui trouveront en lui la quintessence du travail de Foujita.